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UNE COURSE DE TAUREAUX.

ainsi attendu le premier taureau, sans qu’un violent frisson lui parcourût tout le corps, sans que son front se couvrît d’une sueur froide.

Les portes du toril s’ouvrirent. — Un magnifique taureau noir et blanc, un taureau de Colmenar, de la vacada de Fuentès, s’élança dans l’arène.

Il se retourna vers le premier picador, incertain, grattant la terre du pied, secouant la tête, comme s’il eût voulu fondre sur son ennemi, — puis il fit une cabriole, et passa outre.

C’était un taureau, jugé !

« No vale nada ! criait-on déjà de tous côtés ; — les chiens ! les chiens ! es una vaca, es una cabra. » — On eût dit en effet plutôt une chèvre qu’un taureau, et dès le premier moment il prouva qu’on ne s’était pas trompé sur son compte, car l’un des chulos ayant voulu le ramener vers les picadors, le taureau le poursuivit lui-même, et le torero s’étant élancé au-delà de la barrière, il s’élança après lui en même temps, témoignant déjà combien il était agile sauteur.

Il n’avait pénétré néanmoins que dans l’espèce de couloir circulaire qui entoure la place, ce qui arrive très-fréquemment, et bientôt il fut ramené dans l’arène par l’une des portes qu’on ouvrit sur son passage.

Cependant on le sifflait à outrance ; on l’accablait d’injures, on demandait les chiens avec fureur.

Tout à coup, acceptant le défi d’un autre chulo, il traversa toute la largeur de l’arène en courant, et arrivant au pied de la barrière, derrière laquelle s’était réfugié le torero, poussé par un élan extraordinaire, il se précipita aussi. — D’effroyables cris furent poussés au même instant. — Ce n’était plus simplement, comme la première fois, dans le couloir qu’il avait sauté ; — d’un seul bond, il en avait franchi toute la largeur, et s’était jeté au plus épais du peuple, dans le tendido.

La confusion devint universelle. — Ce n’était qu’une seule et désespérante clameur.

Le peuple, comme une marée violemment poussée par le