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LITTÉRATURE.

L’airain bouillonne à flots ; chauffeur, ouvre la porte
Et laisse passer le hautain ;
Allons, impétueux, mugis et prends ta course,
Sors de ta loge, et d’un élan,
D’un seul bond, lance-toi comme un flot de la source,
Comme une flamme d’un volcan :
La terre ouvre son sein à tes vagues de lave ;
Précipite en bloc ta fureur,
Dans ton moule d’acier, bronze, descends esclave,
Tu vas remonter empereur.

Encor Napoléon, encor sa grande image !
Ah ! que ce rude et dur guerrier
Nous a coûté de sang et de pleurs et d’outrage
Pour quelques rameaux de laurier.
Ce fut un triste jour pour la France abattue,
Quand du haut de son piédestal,
Comme un voleur honteux, son antique statue
Pendit sous un chanvre brutal :
Alors on vit au pied de la haute colonne,
Courbé sur un cable grinçant,
L’étranger, au long bruit d’un houra monotone,
Ébranler le bronze puissant ;
Et, quand sous mille efforts la tête la première,
Le bloc superbe et souverain,
Précipita sa chute, et sur la froide pierre
Roula son cadavre d’airain,
Le Hun, le Hun stupide, à la peau sale et rance,
L’œil plein d’une basse fureur,
Aux rebords des ruisseaux, devant toute la France,
Traîna le front de l’empereur.
Ah ! pour qui porte un cœur sous sa gauche mamelle,
Ce jour pèse comme un remords ;
Au front de tout Français, c’est la tache éternelle
Qui ne s’en va qu’avec la mort.
J’ai vu l’invasion, à l’ombre de nos marbres,
Entasser ses lourds chariots ;
Je l’ai vue, arracher l’écorce de nos arbres,
Pour la jeter à ses chevaux ;