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L’ASTROLABE À TONGA-TABOU.

l’Astrolabe fut, par la désertion de ce dernier, débarrassée d’un véritable fléau, et dans le parti qu’il a pris, ce malheureux trouvera peut-être un jour le juste châtiment de ses méfaits.

Aussitôt que les prisonniers furent rentrés à bord, la chaloupe alla déraper l’ancre à une seule pate, tandis que nous virions sur la petite chaîne. À une heure et demie, la dernière ancre qui nous tenait fut dérapée, et nous fîmes route sous les huniers avec une bonne brise d’est, en nous dirigeant vers la passe du nord.

Monté sur le ton du petit mât d’hune, M. Guilbert m’indiquait la position et la direction des brisans que la marée haute couvrait presque entièrement à nos regards. Après avoir dépassé le parallèle de Fafa, le fond décrut rapidement de vingt-trois à quinze, quatorze, douze, huit et dix brasses. Je me décidai à mouiller pour le reste de la journée, afin d’achever nos préparatifs de départ. Fafa nous restait alors au sud-est quart sud du monde, à deux mille de distance.

J’interrogeai l’un après l’autre tous les matelots qui avaient été faits prisonniers, voici les renseignemens que j’en obtins :

Immédiatement après l’enlèvement du canot, ils s’étaient trouvés répartis entre différens chefs, qui les avaient aussitôt menés chacun chez eux, ils n’avaient ensuite été conduits à Mafanga que lorsque Tahofa vit que j’allais attaquer sérieusement cette place.

Dans le principe, animés par les promesses de Tahofa, par le sentiment de leur nombre, qui ne montait pas à moins de trois mille combattans, par la quantité prodigieuse de leurs munitions de guerre en tout genre, et surtout par la mort du caporal Richard ; malgré l’avis de plusieurs chefs, les naturels ne voulaient nullement entendre parler de rendre leurs prisonniers. Ils avaient même conçu le hardi projet de s’emparer du bâtiment. Pour cela, ils se proposaient d’abord d’attirer le grand canot à terre par quelque ruse, et de tomber sur les officiers et les marins qui le monteraient. Puis quand ils auraient jugé l’équipage suffisamment affaibli, ils