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SCÈNES HISTORIQUES.

poser de ces fonds, et nul ne pouvait se les approprier qu’avec un bon signé de notre main royale, et revêtu de notre sceau.

— Sire, la personne qui les a enlevés s’est en effet servi du sceau royal, quoiqu’elle ait jugé votre signature inutile.

— Oui, oui, l’on me regarde déjà comme mort. L’Anglais et le Bourguignon se partagent mon royaume, et ma femme et mon fils, mes biens. C’est l’un ou l’autre, n’est-ce pas, mon cousin, qui a commis ce vol ? car c’est un vol envers l’état, puisque l’état avait besoin de cet argent.

— Sire, le dauphin Charles est trop respectueux, pour ne pas attendre, en quelque chose que ce soit, les ordres de son seigneur et père.

— Ainsi, comte, c’est la reine ?… Il soupira profondément… — La reine, eh bien ! nous allons la voir, et je lui redemanderai cet argent, elle comprendra qu’il faut qu’elle me le rende.

— Sire, il est employé à acheter des meubles et des bijoux.

— Que faire alors, mon pauvre Bernard ? nous mettrons une nouvelle taxe sur le peuple.

— Il est déjà écrasé.

— Ne nous reste-t-il donc pas quelques diamans ?

— Ceux de votre couronne, et voilà tout. Sire, vous êtes bien faible avec la reine, elle perd le royaume, et devant Dieu, sire, c’est vous qui en répondez. Voyez si la misère publique a diminué son luxe ; au contraire, il semble qu’il s’accroît de la pauvreté générale, les dames et les demoiselles de son hôtel mènent leur train accoutumé, faisant grande dépense, et portant des accoutremens si riches, qu’ils étonnent tout le monde. Ces jeunes seigneurs qui l’entourent étalent en broderies sur leurs pourpoints un an de la solde des troupes. Sous prétexte de dangers que lui font courir les troubles de la guerre, elle a demandé une garde inutile à l’état, et que l’état paie. Les sires de Graville et de Giac, qui commandent cette troupe, en obtiennent sans cesse de l’ar-