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REVUE. — CHRONIQUE.

femme qui a passé par le vice avant d’entrer dans ce palais où régnèrent Bossuet et le grand Condé, dans ce jardin où l’apôtre et le héros se promenaient et s’entretenaient l’un l’autre au bruit de ces magnifiques jets d’eau qui parlent encore si haut la nuit et le jour, quand tout est muet autour d’eux, soit par la mort, soit par l’effroi ; madame de Feuchères, et Condé mort pendu, tels sont les deux héros singuliers de cette histoire. Voyez comment s’abâtardit le sang le plus noble, le sang même de Condé ! Toute la vie du noble propriétaire de Saint-Leu et de Chantilly se passe à la chasse, à la queue d’une meute, au milieu de gentilshommes à queue et à poudre, revêtus d’une espèce de livrée jaune ; quand ce grand prince a battu toute la journée les champs et les bois avec ses piqueurs, traînant à sa suite la dame de ses pensées, meuble inutile de sa vieillesse chasseresse, meuble d’étiquette et d’ostentation, l’intrépide chasseur resté chez lui, n’est plus qu’un amant imbécile et idiot. Cette femme le domine et le guide comme lui-même dominait tout à l’heure son cheval. Cette femme lui commande en souveraine maîtresse, et il obéit tout tremblant, lui qui tout à l’heure franchissait les haies et les fossés, et courait au galop sur le bord des précipices au risque de se rompre le cou ! Savez-vous qu’il s’agissait pour Sophie Dawics, aujourd’hui baronne de Feuchères, que son mari ne voudrait pas saluer dans la rue, d’une fortune immense, de terres royales, de forêts princières, du plus bel héritage de la France ! Aussi c’était plaisir de la voir obéie, servie, aimée, flattée par tous ; elle avait des princes à son lever, cette femme. Plus d’une fois une dynastie naissante prit place à sa table, plus d’une fois une dynastie lui donna la main pour la reconduire à sa voiture, elle Sophie ! la Sophie de Londres ! la Sophie des lords d’Angleterre ! la honteuse Sophie, qui entrait chez le dernier des Condés conduite par le valet de chambre et par l’escalier dérobé, pauvre fille en robe de bure et en vieux souliers ! Aujourd’hui elle est la reine de ce beau pays de Chantilly. Le château royal de Saint-Leu ne s’ouvre qu’à son nom, sa chambre à coucher a dérangé la chambre des députés dans ses plans, elle est devenue la Maintenon d’une maison d’éducation militaire. Singulière profanation ! madame de Feuchères la Maintenon de quelque chose en France ! Je ne vous fais ici qu’un sommaire du procès.

C’est Me Hennequin qui plaide pour la famille de Rohan, en nullité de testament du prince. Tout entier à sa noble vocation,