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L’AUTRE CHAMBRE.

— « Non pas, je ne veux point que tu te déranges pour moi : tu es habituée à ta chambre. »

— « Moi, je le veux. »

— « Moi, je ne le veux pas. »

— « Tiens, ne nous disputons pas, Henriette : je suis l’aînée, et il faut me céder. D’ailleurs, je t’assure que depuis long-temps j’avais l’intention de faire ce changement, et que c’est la maladie de mon frère qui m’en a empêchée. Viens ici : aide-moi seulement à pousser son lit dans ma chambre, et à mettre le mien à sa place.

Le déménagement fait, les deux belles-sœurs se quittèrent ivres de joie, après mille embrassades.

Dorothée aimait beaucoup à ménager des surprises. Restée seule, elle résolut de s’assurer du consentement de monsieur et de madame Rauer, avant de faire part à son frère de ce plan de mariage. Mais heureusement Théodore étant rentré, elle ne put résister au désir de lui communiquer son projet.

— « Eh bien ! comment te trouves-tu de ta promenade ? »

— « Oh ! maintenant, je me porte bien mieux. »

— « Bon ! dépêche-toi de te rétablir tout-à-fait, que nous exécutions un complot dans lequel nous voulons te faire entrer.

— « Un complot ? »

— « Oui, nous sommes à notre aise actuellement, grâce à l’héritage que nous avons fait : nous venons de décider que tu épouseras ma chère petite Henriette, et je me charge de faire la demande. Eh bien ! remercie-moi donc ! »

— « Ne crains rien, divine princesse, s’écria Théodore ; ils ont beau me tendre des piéges ; ma fidélité est inaltérable comme mon amour. Leurs spectres livides, leurs gros conseillers, rien ne m’arrêtera ! Animé de ton regard, j’entrerai dans le beau palais rouge, malgré les enchantemens qui en défendent l’accès ! »

Effrayée de cette réponse, Dorothée sortit précipitamment de sa chambre, et revint bientôt avec le médecin qui, après