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s’arrêtera cette manie de corriger toute chose, de tout refaire à notre mode, de rétrécir ou d’écourter à coups de ciseaux les meilleurs et les plus beaux livres des nations voisines, et même ceux de notre pays ; car je ne parle pas seulement d’Homère et de Tasso, arrangés par le prince Lebrun, ni de l’Orlando accomodé au goût du comte de Tressan ; j’entends parler aussi des contes délicieux de Marguerite de Navarre, que l’inépuisable complaisance de M. Van-Praet chercherait vainement dans la bibliothèque de la rue de Richelieu. Marguerite elle-même a passé par le supplice des moderniseurs ; et aujourd’hui un exemplaire de ses récits naïfs et joyeux, écrits dans la langue railleuse et fine qu’on parlait de son temps, est devenu une rareté bibliographique, dont la valeur intime n’est guère appréciée, malheureusement, que par un petit nombre d’érudits tels que Nodier, Crapelet ou Sainte-Beuve.

En ce qui concerne Fielding, il faut dire que Laplace a éliminé un bon tiers de l’ouvrage, et arrangé les deux autres. On n’aurait donc du romancier anglais qu’une idée très incomplète, si l’on s’en rapportait à l’imitation populaire que nous avons nommée. Il existe, il est vrai, deux autres traductions du même ouvrage, assez littérales et assez complètes, l’une de M. Laveaux, et l’autre de M. Chéron ; mais ni l’une ni l’autre ne se font lire, et toutes deux sont absolument comme non avenues.

Fielding naquit en 1707 d’une famille noble. Il était fils du général Edmund Fielding ; troisième fils lui-même de l’honorable John Fielding, cinquième fils de William, comte de Denbig, mort en 1655. Il était allié d’assez près à la famille ducale de Kingston, célèbre surtout par l’esprit et la beauté de lady Mary Wortley Montague. La mère de Henry Fielding était fille du juge Gold. Il fut le seul enfant mâle de ce mariage ; mais il eut trois sœur du côté maternel, l’une desquelles, Sarah Fielding, a écrit l’Histoire de David Simple et quelques autres ouvrages littéraires. Le général Fielding se remaria, et eut de sa seconde femme une famille nombreuse.

La première éducation d’Henry Fielding fut confiée au révérend M. Oliver. Il passa des mains de ce premier maître au col-