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crifierait sa vie au même instant et aussi facilement que sa vertu, et qu’enfin des deux parties, celle-là seule qui demande impérieusement et qui reçoit est perverse, calculée et égoïste ?


Une âme pure réfléchit une âme impure sans se ternir, et dans son ignorance, elle frémit à l’approche de ce voisinage d’angoisse. — Les tourterelles se baignent, dit-on, dans les eaux limpides pour y voir l’image des oiseaux de proie qui planent au-dessus.


Plus on est dur envers les autres, et moins on l’est vis-à-vis de soi-même ; et ceux qui se targuent d’insensibilité, qui se laissent toucher difficilement par les souffrances étrangères, sont les premiers à pleurer sur les leurs ; et la femme faible supporte davantage que l’homme endurci !

C’est ainsi que le diamant, si dur, ne supporte pas le feu aussi long-temps que les autres pierres précieuses plus tendres. Cependant les hommes d’aujourd’hui fréquentent les sources médicinales de la philosophie et de la poésie, non pour guérir et dissoudre les pierres qu’ils portent en eux-mêmes, mais pour en rapporter de jolies pétrifications.


L’enfant, dans son innocent égoïsme, ne pense qu’à lui-même et ne voit que lui-même. Le vieillard, refoulé violemment sur lui-même par ses souffrances, en fait autant ; et, auprès du temps qui passe froidement devant lui et qui lui tourne le dos, semblable au solitaire ou au voyageur dans le désert, il ne doit écouter et voir que lui-même. Ce n’est qu’au midi brûlant et lucide de la vie que l’homme ne se rapproche pas de lui-même, mais du monde sur lequel il agit et qui agit sur lui. — L’homme ressemble donc au soleil au-dessus de la mer, qui, au milieu de sa course, ne voit son image se reproduire qu’à une grande pro-