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LUIZ DE CAMOENS.

mière élégie : O poeta Simonides. Il était de retour à Goa à la fin de 1554.

Ce ne fut qu’à cette époque qu’il apprit la mort de son ami dom Antonio de Noronha, tué devant Ceuta avec son oncle Pedro de Meneses, le 18 avril 1553, dans une expédition mal concertée contre les Maures de Tétuan. Ce jeune ami de Camoens n’avait que dix-sept ans, comme on le peut voir sur son tombeau dans le monastère de Sâo Bento de Xabregas, où il repose avec quatre de ses frères, tués, deux en Afrique, et deux dans l’Inde. Camoens a déploré cette perte d’abord dans la belle églogue de Umbrano e Frondelio et le douzième sonnet, et plus tard dans le deux cent vingt-neuvième et dans la cançâo dix-septième, si toutefois cette dernière pièce est bien de lui.

Dom Afonso, qui avait pu juger de sa bravoure dans la campagne contre le roi de Chembè, fut rappelé et remplacé par dom Pedro Mascarenhas, lequel prit le gouvernement en septembre 1554. À cette époque, Camoens écrivit à Lisbonne une lettre[1], dont nous avons déjà cité quelques fragmens, et dont nous allons extraire de plus longs passages, qui donneront une idée des mœurs de Goa et jetteront un jour tout nouveau sur l’humeur à-la-fois enjouée et caustique de Camoens.

Il commence par prémunir son correspondant contre les illusions que l’on était porté à se faire en Portugal sur le séjour de l’Inde. Il a éprouvé que là, comme à Lisbonne, on est sous l’empire de méchantes fées : « La ville de Goa est une excellente mère pour les méchantes gens, mais elle est la marâtre des gens de bien : ceux qui viennent y chercher de l’argent se soutiennent comme des vessies sur l’eau ; les braves seuls sont réduits à sécher sur pied. » Après avoir cité en preuve quelques noms propres, il ajoute : « Quant à Manoel Serrâo, qui, sicut et nos, cloche d’un œil, il s’est assez bien conduit depuis son arrivée. Je puis en parler, car j’ai été pris pour arbitre de certaines paroles sur lesquelles il a fait revenir un militaire qui ne manque

  1. La première écrite de l’Inde. Nous ne pensons pas, avec J. Adamson, que la seconde soit de la même date.