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tenir compte d’un fait aussi considérable. Quand la maison de Bourbon travailla à s’asseoir en 1814 et en 1815, la conviction politique de M. Guizot le porta à s’engager dans les affaires sous le patronage de l’abbé de Montesquiou, à tremper dans les soins et les pratiques qui furent employés à fonder la dynastie, à combattre et à poursuivre avec passion ce qu’on appelait le buonapartisme ; plus tard, après avoir quitté forcément un secrétariat général, M. Guizot apporta ses efforts personnels pour fonder le gouvernement du roi tant sur la doctrine de la légitimité, que sur l’imitation de quelques idées et de quelques formes anglaises : maître des requêtes, conseiller d’état, écrivain, il se donna tout entier à des combinaisons parlementaires, à des finesses ministérielles, à des compromis ingénieux peut-être, mais à coup sûr impuissans. Cependant les véritables royalistes étaient prêts et mûrs pour conquérir le pouvoir ; le génie littéraire de M. de Chateaubriand, l’autorité philosophique et la verve raisonneuse de M. de Bonald, l’habileté si souple et si persévérante de M. de Villèle avaient jeté sur les hommes et les doctrines de la vieille royauté cet éclat indispensable à l’ambition de tout parti qui veut gouverner. L’invasion fut complète, elle n’épargna personne ; M. Guizot, après avoir épuisé toutes les concessions compatibles avec son honneur politique, fut éconduit, et dans la retraite générale des amis de M. Royer-Collard, il fut poussé hors du pouvoir, le dernier.

Ici, monsieur, s’ouvre pour M. Guizot une carrière honorable et brillante, qu’il se fit lui-même par son talent et ses travaux. En dehors du gouvernement, il se tourna vers la liberté, et demanda à sa plume de lui créer à-la-fois une condition indépendante et une importance politique. En 1820, il publia un ouvrage intitulé : Du gouvernement de la France depuis la Restauration et du ministère actuel ; et dans la préface il s’exprimait ainsi concernant la surprise qu’avaient témoignée quelques membres du nouveau cabinet sur la résolution qu’il avait prise d’écrire : « C’est trop méconnaître, disait-il, la nature de notre gouvernement. Les hommes ne s’y vouent pas aux hommes. Ils se rangent sous la bannière de certains principes