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VOYAGE DES FRÈRES LANDER.

est, on s’appliqua encore à bâtir d’ingénieux systèmes pour concilier les deux versions contradictoires.

Les sources de ce fleuve furent long-temps aussi un problème géographique fort obscur, et jusqu’à Guillaume Delisle, toutes les cartes les faisaient identiques ou fort voisines de celles du Nil d’Égypte ; Delisle le premier, et d’Anville à son exemple, firent naître le Niger dans les mêmes montagnes où ils placèrent l’origine du Sénégal et de la Gambie ; Mungo-Park donna une nouvelle consistance à cette opinion ; et déjà Mollien, après avoir visité les sources de la Gambie et du Sénégal, avait indiqué avec justesse l’emplacement relatif de celle du Djaly-Bâ, lorsque le major Laing, après l’avoir aperçue à vingt milles de distance, put déterminer enfin sa position géonomique absolue.

Mais l’embouchure du Niger a donné matière à de bien plus nombreuses et plus ardues controverses ; car sans parler des systèmes qui, avant Delisle, faisaient écouler le grand fleuve dans l’Océan occidental, tantôt par le Sénégal et la Gambie, tantôt par le Rio-Grande et le Rio-Cestos, les Arabes voulaient et veulent encore de nos jours que le Nil des Nègres ou le Nil des Esclaves, comme ils l’appellent, allât à travers quelques lacs, ou même par des voies souterraines, rejoindre le Nil d’Égypte, et porter ainsi le tribut de ses eaux à la Méditerranée ; l’Hispano-Africain Alhhasân de Grenade, que nous appelons Jean-Léon, assurait que venant de Ten-Boktoue à Gény, et continuant à suivre le fleuve l’espace de cinq cents milles, dans le pays de Guinée, on débouquait dans l’Océan. Et pour nous borner aux hypothèses de la géographie contemporaine, Rennel conduisait le grand fleuve jusqu’à un vaste lac central dont les eaux étaient en partie perdues dans les sables, en partie absorbées par une évaporation puissante ; Maxwell et Mungo-Park le supposaient identique au Zaïre ou Couango, et la malheureuse expédition de Tuckey eut pour but de faire des reconnaissances à l’effet de s’en assurer ; Laing pensait qu’il se joignait au Lagos ; enfin l’Allemand Reichard avait émis l’opinion que le Niger arrivait dans le golfe de Benin par le Rio-Formoso et d’autres bras, formant un delta analogue à celui du Nil d’Égypte.

Cette dernière hypothèse, que les explorations de Clapperton, et surtout les informations recueillies par ce voyageur et par Richard Lander son domestique, avaient rendue extrêmement probable et presque certaine, a acquis aujourd’hui la sanction d’une vérification formelle : Richard Lander, retournant, avec son frère John, dans les contrées intérieures qu’il avait précédemment visitées avec Clapperton, est allé au-dessus de Yaoury, s’embarquer sur le Niger (désigné ici par les indigènes sous le nom de Kouârâ), et après une navigation de près de quatre mois sur ce fleuve, il est entré dans l’Océan par une embouchure voisine des terres basses si improprement décorées du nom de Cap-Formose.

Donnons une esquisse rapide de la totalité des routes qu’ils ont parcourues.

Débarqués devant Badagh ou Badagry vers la fin de mars 1830, ils prirent, vers le nord-est, une route fort voisine de celle qu’avait suivie Clapperton à son dernier voyage. Quelques heures les conduisirent à Ouâou, dans le pays