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Lorsqu’on a admiré, dans les basiliques de Normandie, ces magnifiques peintures éclairées par un soleil brillant, on comprend combien ces effets magiques devaient plaire à des imaginations naïves et avides d’émotions mystiques, et quelle préférence nos pères devaient accorder à ces images diaphanes et fantastiques, sur des sculptures grossières, ou des tableaux obscurs. Toutes les idées religieuses traversaient ce prisme étincelant pour toucher leur âme, toutes les fenêtres d’un temple reflétaient, par mille ogives, les cieux ouverts. Si une tendre mère venait prier pour son fils malade, elle s’agenouillait pour pleurer devant cette madone aux yeux baissés, au front virginal, aux vêtemens de pourpre et d’azur, détachant sur un fond d’or les contours si purs que trouvait Raphaël. Et si le soleil, perçant alors un nuage, venait éclairer de mille feux l’auréole de la vierge sainte, la pauvre mère se levait moins malheureuse, un rayon d’espérance avait glissé dans son âme avec ces torrens de lumière.

Les fidèles se réunissaient souvent par confréries pour offrir à leur église cet objet privilégié de leur vénération, et multipliaient ainsi ces productions curieuses. Il n’y avait alors ni académies, ni systèmes, ni traditions, ni écoles ; chaque artiste, n’obéissant qu’à son génie ou à son imagination ne cherchait à imiter personne, et il résultait souvent de cette liberté les idées les plus poétiques et les plus inattendues.

À l’époque de la renaissance, ce genre de peinture tomba peu à peu en désuétude, et chacun vous dira que le procédé en est entièrement perdu. La vérité est simplement qu’il n’est plus employé. Ce qui faisait l’admiration et l’orgueil des anciens âges est tombé dans l’oubli et confié à la surveillance de fonctionnaires peu soigneux de tels intérêts. La garde de Dieu n’est plus suffisante pour des chrétiens de nos jours ; s’il faut entrer en masse dans un temple, à défaut des clefs du sacristain une précieuse verrière devient une large porte pour le peuple-roi, un coup de pierre fait souvent mille morceaux d’un saint sans défense et jusque-là respecté ; des amateurs enthousiastes utilisant leurs visites aux anciens monumens emportent sous le manteau de précieux fragments ; qui une vierge, qui un Dieu, qui un diable, et si nous établissons une progression géométrique, dans quelques années il ne restera pas, je crois, de tant de richesses de quoi garnir un œil de bœuf.

Les derniers restes de cet art courant de si grands périls, M. Langlois ne pouvait publier plus à propos ses curieuses recherches. Là sont passés en revue et représentés par des planches fidèles les vitraux les plus célèbres de tous les pays, les uns religieux, d’autres historiques, d’autres d’une liberté qu’un boudoir proscrirait, et qu’on s’étonne de trouver dans la maison du Seigneur. Tout cela décrit avec une grande clarté, et mêlé de réflexions savantes et de piquantes anecdotes, présente le plus grand intérêt, et fait honneur à l’érudition de M. Langlois comme antiquaire et à son bon jugement comme critique. Le livre est du reste fort bien exécuté.