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taine, il se figura, par la pensée, l’homme qui devait commander à la tempête, braver les élémens en furie. — Il devait avoir six pieds, un crâne de granit et des yeux flamboyans. — Il regarda et vit M. Hochard : c’était un homme de quarante ans à-peu-près, d’une taille moyenne, maigre, d’une physionomie insignifiante, fort poli, des manières communes, mais prévenantes ; de plus, il portait une perruque blonde, des boucles d’oreille, une redingote marron, un gilet noir, un pantalon bleu, des bas blancs et des souliers à boucles. — Il est impossible de se rendre compte de l’affreux serrement de cœur qu’éprouva Narcisse, quand il eut complété cet ignoble et prosaïque signalement.

De ce moment, il se proposa de demander au cousin s’il n’y aurait pas moyen de débarquer en accordant une indemnité au capitaine.

Pour se distraire, il se prit à examiner l’interlocuteur de M. Hochard.

On l’a dit, l’interlocuteur était fort gros, d’une haute taille, chauve et très coloré ; deux petits yeux gris toujours en mouvement, donnaient une rare expression de vivacité à sa bonne et joviale figure ; son costume était celui d’un homme du peuple, une veste et un pantalon.

— Allons, allons, monsieur le capitaine, disait le gros homme, soyez raisonnable, ne rançonnez pas un pauvre diable comme moi ; — en vérité, 600 francs pour moi et mes caisses…, c’est aussi par trop cher…

— Comme vous voudrez, répondit le capitaine, mais je n’ai qu’un prix, et je ne fais jamais marchander mes chalands.

— Ses chalands !… — Narcisse n’y tenait plus, il se croyait assis près du comptoir paternel de la rue du Cadran.

— Mais enfin, disait le gros homme, que fait un homme de plus ou de moins sur un équipage comme le vôtre… monsieur le capitaine ?

— Cela fait un dixième, voilà tout.

— Eh bien !… dix au lieu de neuf, puisque je ne demande qu’à manger avec vos matelots, monsieur le capitaine.