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LOUVEL.

plus, avant de les déposer entre les mains de ses avocats. Il s’arrêta surtout à l’une d’elles dont l’écriture, nette et bien formée, était remarquablement belle et l’avait déjà frappé. Il l’examina encore quelques instans, protégeant ses yeux contre l’éclat du jour avec la gênante camisole qui ne le quittait point. Vers onze heures, le guichetier vint avertir les gardiens que le détenu pouvait monter au greffe. Il se hâta de s’y rendre. Là, on lui signifia les noms des témoins qui devaient être entendus dans sa cause ; il écouta cette lecture avec calme et en silence. Seulement il remarqua qu’on avait fait assigner comme témoin un forçat qu’il n’avait jamais connu. Ses deux conseils l’attendaient dans une pièce voisine. « Messieurs, leur dit-il après quelques paroles de politesse, je m’en rapporte parfaitement à vous. Vous aurez, je crois, bien peu de choses à dire. Mon acte d’accusation est fort bien fait, et vous en serez contens, à ce que je pense. Mon affaire ne peut plus guères se prolonger. Lundi, on me mettra en jugement ; mardi, je serai condamné, et mercredi, tout pourra être terminé. Je suis très curieux de savoir comment vous pourrez me défendre. Vous avez vu mes interrogatoires : je n’ai rien à y changer. Dans tous les cas, la seule chose que je vous demande, c’est de ne point me contredire. J’ai dit tout ce qui a été. Je me confie à votre talent : mais je vous prie seulement de faire remarquer aux juges que je n’ai été mu par aucun intérêt particulier, et que l’amour du pays, entendu comme je l’entendais, m’a seul poussé au crime dont je suis coupable. — Il est encore temps, lui dit M. Archambault, de révéler le nom de vos complices : l’instant suprême approche, et vous devez songer au compte que vous aurez bientôt à rendre. — J’ai toujours dit et je répète que je n’ai point eu de complice ; j’ai conçu mon projet seul, de même que je l’ai exécuté seul. Du jour où ma résolution a été définitivement prise, j’ai évité toute liaison d’intimité où, sans le vouloir, j’aurais pu trahir mon secret. Si, durant mes voyages, j’ai toujours paru solitaire et taciturne, ce devait être naturellement le caractère d’un homme dont la vie sans cesse errante et occupée ne souffre guères d’affection solide et sédentaire. Plus tard, quand