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DE L’ART EN ALLEMAGNE.

pourprés et vos mitres de diamant. Jetez bas pour un autre que vous, vos couronnes de créneaux et vos surplis de murailles dentelées ; passez, tombez, croulez, et si quelqu’un vous demande : Holà ! qu’avez-vous fait du dieu ? Répondez : Je ne sais.

La nature, qui a ouvert au nord le large horizon de l’Allemagne pour que les sociétés modernes s’y trouvassent à l’aise sur les champs de bataille, et que chaque contestation politique de peuple à peuple y eût ses coudées franches, a voulu aussi, ce semble, que cet horizon servît de champ-clos pour une grande épreuve des opinions et des philosophies humaines. Tant que les doctrines qui y sont à présent aux prises, ne firent que commencer à croître, jeunes et inoffensives, prenant chacune peu de place, elles vécurent ensemble sans querelles. C’était plaisir alors de les voir toutes arriver et se mouvoir en liberté. Long-temps elles purent croire qu’elles continueraient de grandir ainsi en paix sous l’étendard du panthéisme. Mais à mesure qu’elles eurent gagné leur rang et leur maturité, chacune suivit son humeur et marcha à sa guise. Dans ce pays de repos, ce n’est plus aujourd’hui que froissement de croyances qui s’usent l’une par l’autre, que conflit de renommées qui en viennent aux mains, que systèmes blessés au cœur, que théories désarçonnées, que docteurs qui ferraillent. Le catholicisme est désarmé par le protestantisme, le protestantisme par le piétisme, le piétisme par le rationalisme. C’est un cercle fatal qui est tracé dans le sable et au-delà duquel on ne peut faire un pas sans marcher sur un mort. La gloire de Schiller se retourne contre la gloire de Goëthe. La philosophie de Hegel sert à tuer la philosophie de Schelling ; Schelling sert à tuer son maître. Toutes les opinions humaines se sont donné rendez-vous là, comme dans une Alexandrie moderne, pour se développer chacune à sa manière, afin qu’arrivées à leur dernière puissance, elles fournissent entre elles un meilleur combat, et qu’il soit plus facile de se reconnaître dans leurs ruines. Monté à sa plus haute tour, l’édifice tout spirituel de la vieille Allemagne s’écroule sans fracas. Lui-même, il jette de ses créneaux