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à une indépendance qui avait ses respects et ses limites. Un siècle, l’Europe sanglante, une guerre continue de trente années, vaste tragédie qui n’a pas échappé au génie de votre Schiller, l’Allemagne remuée en tous sens, Gustave-Adolphe, Richelieu, voilà les instrumens et les conditions qui firent passer la liberté de conscience dans les traités et les constitutions.

Le dix-septième siècle consigna donc dans la paix de Westphalie l’héritage du seizième : de plus, ce siècle que j’enfermerais volontiers entre 1610 et 1716, entre la mort de Henri iv et celle de Louis xiv, vit les différens états de l’Europe s’asseoir et se définir. Les monarchies s’établirent solidement, et en 1713 la paix d’Utrecht détermina entre les puissances après mille oscillations, l’état de l’Europe tel à-peu-près qu’il se maintint jusqu’au moment où l’Autriche, la Prusse et la Saxe s’ingérèrent de délibérer à Pilnitz sur les affaires de la France. Cependant la pensée scientifique et littéraire de l’Europe porta ses fruits. Je ne veux pas insister ici sur nos avantages : les compagnies savantes s’organisèrent ; la société royale de Londres fut confirmée vers la même époque où l’on institua à Paris l’académie des inscriptions. Celle des sciences existait déjà chez nous depuis plusieurs années. La vôtre à Berlin, monsieur, date de 1700 ; ainsi l’Europe s’instruisait, étendant ses connaissances et sa discipline.

Mais où était la pensée souveraine dans ce mouvement ? La religion chrétienne ne brillait plus au premier rang dans l’arène scientifique ; elle ne dirigeait plus la politique des rois ; elle ne réchauffait plus les peuples dans ses bras ; elle doute presque d’elle-même avec Pascal ; elle est éloquente, intolérante et ministérielle avec Bossuet ; elle se perd dans un mysticisme novateur, mais incertain avec Fénelon ; elle ne tient plus les rênes ; donnez-moi encore quelques momens, et je vous montrerai la société échappant à la religion pour tomber entre les mains de la philosophie moderne. C’est que, monsieur, il y eut dans le dix-septième siècle, quelques hommes qui poussèrent les idées chacun dans sa route : l’un fit divorce un peu plus, l’autre un peu moins, avec l’autorité de la tradition et du christianisme ;