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à l’Opéra. Vienne donc le chef-d’œuvre ! vienne la Tentation, nous verrons.

Une grande activité règne en revanche à la Porte-Saint-Martin. On y a repris avec succès la Christine de M. Alexandre Dumas, et le Joueur de madame Dorval et de Frédérick. Bocage a reparu à ce théâtre dans un drame habilement monstrueux, la Tour de Nesle. L’acteur et le drame ont obtenu un succès complet, surtout l’acteur qui a été profond, pathétique et vrai.

Venons-en maintenant au plus rude et au plus pénible de notre tâche. Examinons rapidement ce qu’il s’est récemment publié de plus notable et de plus important en fait de livres sans conséquence.

Ce sont surtout les romans qui ont abondé. Cela pousse, à ce qu’il semble, comme les feuilles au printemps. Ou bien peut-être y a-t-il une autre cause à cette excessive production que ne paraît pas devoir absolument balancer la consommation. Pendant qu’a régné le choléra, peut-être la librairie n’a-t-elle rien voulu risquer de ce qu’elle avait de chefs-d’œuvre en magasin. Il devait donc y avoir encombrement. Tant de belles choses s’étaient amassées, que le réservoir en avait été rempli. Aussi, quand vers le mois de mai l’écluse a été lâchée, quelle inondation de volumes in-8o ! Les voilà qui se sont répandus à flots chez les libraires ! Oh ! les beaux livres ! voyez-vous comme ils se pavanent, élégans et coquets, sous les glaces, aux brillans étalages des boutiques de la galerie d’Orléans ! Voyez comme ils se sont faits magnifiques durant leur emprisonnement ! Voyez quel luxe de couvertures ! quelle variété de couleurs ! quelle émulation de vignettes ! quel plaisir de regarder ces ouvrages si bien parés, si bien rangés dans les montres ! Personne n’a troublé leur repos. Ils demeureront au moins là deux ou trois mois dans toute leur gloire, pour le plus grand amusement des promeneurs jusqu’à ce qu’ils s’en aillent, Dieu sait où, et cèdent leur place à d’autres. Pauvres livres ! hélas ! ils aimeraient mieux sans doute qu’on leur fît moins d’honneur, et qu’on les achetât, qu’on les lût ; mais la plupart ils meurent ainsi en bas âge. Ils meurent vierges ! ils meurent inconnus ! ils meurent sans qu’une