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MARCO POLO.

chercher un chemin plus sûr en faisant de grands circuits. Ils arrivèrent jusqu’au haut de la mer Caspienne, traversèrent le Jaik et le Jaxartes, prenant cette dernière rivière pour l’une des quatre qui coulent dans le Paradis, et après avoir parcouru les déserts de Transoxiana, ils parvinrent à la grande cité de Bokhara.

Le hasard fit qu’au même moment où ils étaient arrêtés dans cette ville, un noble Tartare, envoyé par Hulagu à son frère Kublaï, y fit aussi une halte. Le messager, poussé par la curiosité de voir et d’entendre des Latins qu’il n’avait jamais eu l’occasion de rencontrer, fit connaissance avec les deux marchands vénitiens, prit plaisir à entendre leur langage et à profiter de leurs connaissances ; en telle sorte qu’il leur proposa de venir le rejoindre à la cour de l’empereur, ayant soin de les assurer qu’ils seraient protégés pendant leur voyage, et que le prince ne manquerait pas de leur faire une réception favorable. Nos voyageurs, fort incertains de pouvoir retourner à Constantinople, ou poussés plutôt par le goût des entreprises et l’espoir d’augmenter leurs richesses, acceptèrent la proposition. Après s’être recommandés à Dieu, ils poursuivirent leur voyage vers des contrées que, dans leur esprit, ils estimaient être les extrémités de l’Orient. Après avoir voyagé un an, ils arrivèrent à la résidence impériale.

La manière gracieuse dont ils furent reçus par le grand Kan, chef de tous les Tartares, leur donna bonne espérance. Ce prince leur adressa des questions sur toutes les parties occidentales du monde, sur l’empereur des Romains et sur tous les rois et princes de la chrétienté. Il s’informa de l’importance respective de ces souverains, de l’étendue de leurs possessions, de la manière dont la justice était administrée dans chaque état ; comment les princes faisaient la guerre, et par-dessus tout il multiplia les questions au sujet du pape, des affaires de l’église et de la doctrine et de la foi des chrétiens. Les voyageurs, dit la relation de Marco Polo, répondirent en gens sages et discrets, mesurant toutes leurs réponses d’après l’importance des matières et faisant usage du langage tartare (Moghul), ce qui augmenta