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child, comparez-la avec une statue quelconque du milieu du douzième siècle, avec celle de Louis-le-Gros, si vous voulez, Ludovicus Grassus, qui s’alonge en forme de gaine devant le portail latéral nord de l’église de Saint-Denis, et voyez si ce sont là deux monumens contemporains. La raideur emmaillotée de l’une et la pose naturelle de l’autre, les plis massifs et comptés de la toge de Louis-le-Gros et le libre jet des plis de la robe de Nantechild, les cheveux divisés par tranches et comme nattés de la figure du portail et la chevelure de la petite reine si délicatement sculptée, établissent un intervalle de plus d’un demi-siècle entre les deux ouvrages et reculent, par conséquent, le dernier vers le commencement du treizième siècle.

D’une autre part, ce serait, suivant moi, trop rapprocher la date de ce morceau, que de supposer qu’il fut exécuté en 1267 lorsque Louis ix et Mathieu, abbé de Saint-Denis, firent transporter dans ce monastère les rois qui reposaient en divers lieux. Guillaume de Nangis, qui cite ce fait, ne mentionne dans cette translation aucun roi de la première race. « Les rois et reines, dit-il, qui descendaient de Charlemagne furent placés avec leurs images taillées du côté droit du chœur, et ceux qui descendaient du roi Hugues Capet à gauche[1]. » Mais une raison plus péremptoire, c’est la différence des styles. Les figures du monument de Dagobert, notamment celle de Nantechild, ont un caractère beaucoup plus idéal que celles des rois et des reines sculptées en 1267. Ces dernières ont beaucoup plus de réalité et plusieurs sont évidemment des portraits. Au reste, on voit dans les unes et dans les autres combien les artistes de cette époque s’embarrassaient peu du costume. Ils songeaient à empreindre leurs figures de la grande pensée catholique qui dominait alors, et rien de plus. D’ailleurs tous les rois et reines de la seconde race et du commencement de la troisième sont indistinctement revêtus de surcots justes et serrés, en usage sous le règne de saint Louis. La statue de Nantechild, qui porte également le vêtement étroit du temps, est donc, à quelques années

  1. Chroniques, an 1267.