Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 7.djvu/258

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
254
REVUE DES DEUX MONDES.

de guerre : « on parle de guerre ; nos cavaliers la souhaitent beaucoup, et nos dames s’en affligent médiocrement ; il y a long-temps qu’elles n’ont goûté l’assaisonnement des craintes et des plaisirs des campagnes ; elles désirent de voir comme elles seront affligées de l’absence de leurs amans ; » on entend tous ces récits fidèles, on assiste à cette décomposition du grand règne, à ce gaspillage des sentimens, de l’honneur et de la fortune publique ; on s’écrie avec la généreuse mademoiselle Aïssé : « À propos, il y a une vilaine affaire qui fait dresser les cheveux à la tête, elle est trop infâme pour l’écrire ; mais tout ce qui arrive dans cette monarchie annonce bien sa destruction. Que vous êtes sages, vous autres, de maintenir les lois et d’être sévères ! Il s’ensuit de là l’innocence ! » On partage la consolation vertueuse qu’elle offre à son amie dans les privations et les pertes : « Quelque grands que soient les malheurs du hasard, ceux qu’on s’attire sont cent fois plus cruels. Trouvez-vous qu’une religieuse défroquée, qu’un cadet cardinal (les Tencin), soient heureux, comblés de richesses ? Ils changeraient bien leur prétendu bonheur contre vos infortunes. »

Cependant la santé de mademoiselle Aïssé s’altère de plus en plus ; sa poitrine est en proie à une phthisie mortelle. Elle se décide à remplir ses pratiques de religion. Le chevalier consent à tout par une lettre admirable de sacrifice et de simplicité, qu’il lui remet lui-même. Or, pour trouver un confesseur, il faut se cacher de madame de Ferriol, moliniste tracassière, et qui ferait de cette conversion une affaire de parti. Mademoiselle Aïssé a donc recours à madame du Deffant et à cette bonne madame de Parabère, qui l’aide de tout son cœur : « vous êtes surprise, je le vois, du choix de mes confidentes ; elles sont mes gardes, et surtout madame de Parabère, qui ne me quitte presque point, et a pour moi une amitié étonnante ; elle m’accable de soins, de bontés et de présens. Elle, ses gens, tout ce qu’elle possède, j’en dispose comme elle, et plus qu’elle ; elle se renferme chez moi toute seule et se prive de voir ses amis ; elle me sert sans m’approuver ni me désapprouver,