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MARCO POLO.

de lui offrir, dans sa position, ce qui pouvait lui être nécessaire et même agréable : c’était à qui parviendrait à entendre parler Marco Polo, du royaume de Cathay et de la puissance du grand Kan Kublaï. Cette nécessité de répéter si souvent la même chose devint sans doute insupportable à Marco Polo, et c’est vraisemblablement à cette cause secondaire que nous sommes redevables de la relation de ses voyages, qu’il dicta pour contenter la curiosité de ses contemporains, et s’épargner de si fréquentes redites. Lorsqu’il prit ce parti, il fit venir de Venise toutes les notes qu’il avait faites en voyage, et que son père avait entre les mains. Avec ces documens, dont il parle plus d’une fois dans son livre, et aidé de sa mémoire, il dicta sa relation, qui fut écrite par un certain Rustighello ou Rustigiello, noble génois. Cet homme, par suite du vif désir qu’il avait de s’instruire dans la connaissance des différentes parties du monde, avait lié une amitié intime avec Marco Polo, et passait presque tout son temps avec lui dans l’endroit où il était retenu prisonnier. Cependant Apostolo Zeno pense, d’après l’autorité d’un des manuscrits de Marco, que le livre a été originairement écrit sous la dictée de l’auteur, par un Pisan prisonnier de guerre avec Marco. Quoi qu’il en soit de ces deux conjectures, le manuscrit a été terminé, et a commencé à circuler dans toute l’Italie et l’Europe en 1298.

Cependant Nicolo Polo, le père de notre auteur, avait formé des projets de mariage pour son fils ; mais la prolongation de sa captivité, dont la fin devenait toujours plus incertaine, lui fit renoncer à cette espérance. Après avoir fait des offres de rançon considérables, le tout sans succès, le vieux Nicolo, craignant de ne pas laisser son immense fortune à des héritiers directs, se décida à se remarier.

Il arriva qu’au bout de quatre ans de captivité, Marco Polo, par suite d’arrangemens entre les deux républiques, recouvra sa liberté. Il retourna donc à Venise et trouva son vieux père, qui était vert encore, entouré de trois fils en bas âge. Marco était un homme de sens et qui avait beaucoup vu ; il ne témoigna aucune humeur de cet accident et résolut de prendre