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Puis le plus jeune des frères, celui qu’il a fiancé avec sa fille, lui demande s’il veut la rendre si tôt veuve.

« Que Dieu ait pitié de nous, dit le brave homme, » et ils levèrent leurs boucliers pour combattre ; cependant Hagen adresse encore un mot à Rüdiger.

« Je suis dans un grand souci. Le bouclier que dame Gotelinde m’avait donné, les Huns l’ont haché à mon bras. Plût au dieu du ciel que j’en eusse un aussi bon que celui que tu portes, Rüdiger ; je ne demanderais pas d’autre armure.

— Je te donnerais volontiers mon bouclier, si j’osais le faire devant Chrimhilde : mais n’importe ! prend-le, Hagen, et porte-le. Puisses-tu le porter jusqu’au pays des Bourguignons ! »

Alors tous sont émus, de chaudes larmes tombent des yeux de ces guerriers farouches. Tous pleurent de ce qu’on ne peut éviter cette nécessité terrible ; puis le combat commence, et Rüdiger meurt percé de son propre glaive par Gernot, qui meurt ainsi que lui.

La mort de Rüdiger produit une consternation générale. Les guerriers de Théodoric, tous ces héros qui, dans la tradition allemande, l’entourent comme les douze pairs entouraient Charlemagne, en cherchant à arracher le corps de Rüdiger aux Niebelungs, en viennent aux mains avec eux, et alors commence un carnage, auprès duquel ce qui a précédé n’est rien ; alors presque tous les grands noms du cycle germanique sont en présence. Ces héros d’une force et d’une vaillance gigantesques se heurtent dans une épouvantable mêlée. Les guerriers marchent dans le sang, et le sang rejaillit au-dessus de leur tête. Enfin il ne reste plus du côté de Théodoric que le vieil Hildebrand, et de celui des Niebelungs que Hagen et Gunther.

Théodoric leur offre de se rendre à lui : ils refusent avec colère. Alors il combat contre chacun d’eux l’un après l’autre, se rend maître d’eux et les remet à Chrimhilde, en lui recommandant de les épargner. Elle le promet : puis, faisant venir Hagen, elle lui demande où on a caché le trésor de Sigfrid. « J’ai juré, dit-il, de ne le révéler à personne.

« Il faut en finir, » dit la noble dame. Et elle ordonna de