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LETTRES PHILOSOPHIQUES.

La coalition, mentalement résolue, fut lente à s’organiser. Ramasser des forces éparses, concilier des prétentions ombrageuses, partager les rôles, assigner les postes, choisir les points d’agression les plus saillans et les plus faciles, surtout tracer un plan général qui soit comme le nœud de l’intrigue, tout cela veut du temps : c’était aussi la première fois depuis Louis xiv que l’Europe se liguait contre nous. Une entreprise si nouvelle ne pouvait se mettre en branle que lentement, et les frontières de la France ne furent violées que le 19 août 1792, trois ans après les premiers mécontentemens et les premiers projets des puissances européennes.

Il vaut la peine de bien se rendre compte des intentions véritables qui dirigeaient les cabinets. Ils desiraient sauver le gouvernement monarchique, renverser la constitution nouvelle, qu’ils considéraient comme attentatoire aux droits de la royauté, telle que la consacrait l’ancien droit public de l’Europe ; ils desiraient prêter au roi Louis xvi une force qui lui permît de ressaisir toute l’initiative de sa première autorité, d’autant plus que le monarque français, dans l’hiver de 1790, s’était adressé aux puissances, pour les inviter à le tirer d’une position qu’il estimait indigne et cruelle. Nous devons, monsieur, au prince de Hardenberg, chancelier d’état, qui a laissé en Prusse une si haute renommée, la connaissance d’une lettre précieuse du roi Louis xvi à Frédéric-Guillaume. Permettez-moi, monsieur, de la remettre sous vos yeux : elle était datée du 3 décembre 1790.


« Monsieur mon frère ;

« J’ai appris par M. de Moustier l’intérêt que votre majesté avait témoigné non-seulement pour ma personne, mais encore pour le bien de mon royaume. Les dispositions de votre majesté à m’en donner des témoignages dans tous les cas où cet intérêt peut être utile pour le bien de mon peuple, ont excité