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LA MORT DU DUC DE REICHSTADT.

que la foule. Et vous me demandez, monsieur, où en est la poésie en France, où en sont les poètes français aujourd’hui !

Elle en est là la poésie ! Le fils de Napoléon n’inspirera pas une ode, pas une chanson, pas un vers, je dis une bonne ode, une belle chanson, un beau vers ! La mort de cet enfant ne sera pas plus poétique que la révolution de juillet ne l’a été. D’où vous pourrez conclure que la poésie politique, c’est-à-dire l’ode, c’est-à-dire la plus belle expression de la poésie, son expression la plus solennelle et la plus antique, est morte chez nous ! Il y a des gens qui ne s’en affligeront pas. Cromwell détestait Butler !

Comme vous êtes très éloigné de nous et très étranger à ce mouvement en sens inverse, qui amène chez nous une révolution littéraire tous les huit jours, vous demanderez peut-être, vous questionneur : Pourquoi je n’ai pas placé l’auteur des Messéniennes, M. Casimir Delavigne, parmi les poètes du jour ?

Je vais vous le dire tout franchement, puisque je suis dans mon jour de franchise : c’est qu’en vérité il est difficile d’être moins poète que M. Casimir Delavigne ne l’a été depuis la révolution de juillet. L’histoire de M. Casimir Delavigne le poète est une des choses les plus curieuses qui se puissent voir, et sans la vie de Debureau, je l’aurais faite. Je ne parle pas de M. Casimir Delavigne sous la restauration. Sa vie a été laborieuse, mêlée de revers et de succès, semée de beaux vers, échos lointains et sans passion de la poésie de Racine, reflet affaibli, mais gracieux d’Athalie et d’Esther. Il a eu des chutes, il a eu de brillans succès. Il a fait de l’opposition, lui aussi, mais une opposition beaucoup plus molle et partant beaucoup moins populaire que celle de Béranger. Quand le drame moderne a donné, fougueux, barbare, je veux dire faisant du barbarisme, conduisant la passion jusque dans l’alcove, fût-ce dans une alcôve d’auberge, visant au spectacle et à l’effet, M. Casimir Delavigne, tout en regimbant, a suivi, autant qu’il a pu, le drame moderne. Il a poussé la complaisance jusqu’à mettre une procession de moines dans son Louis xi, jusque-là tout est bien. Ce n’était pas un poète novateur, mais c’était un écrivain correct et châtié ; il n’était pas très passionné,