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le patronage d’une égalité commune et inviolable. Mais en 1804 le parvis de Notre-Dame reçoit un empereur, qui oublie 1789 pour renouer avec Charlemagne, et nous paie avec usure notre liberté au prix de conquêtes si grandes qu’elles ne se peuvent garder. Il tombe, le glorieux parjure qui a méconnu la république, et en 1814, en 1815, revient à deux fois la vieille monarchie proscrite ; elle règnera, nos défaites l’ont décidé : il faudra donc s’accommoder de ce triomphe de l’esprit antique sur celui du siècle ; on se résignera, et même on s’estimera content si la vieillesse de la monarchie n’est pas trop déraisonnable et trop idiote. Vaine espérance, et en 1830 nouvelle péripétie, nouvelles aventures pour la société française. Les systèmes n’ont pas plus duré que les gouvernemens. Vers 1800, les théories philosophiques du dernier siècle occupaient encore tous les esprits : c’était justice ; puis les sciences naturelles, physiques et mathématiques prévalaient chez nous sur les autres connaissances. Vers 1816, l’école vulgairement appelée doctrinaire commença d’écrire ; elle s’attacha à se créer un petit monde à part, elle ne s’inquiéta pas de continuer la marche progressive et directe de la pensée française ; elle s’isola de notre révolution ; engouée de l’Angleterre, prenant deux ou trois abstractions négatives pour une métaphysique profonde, dénuée des qualités qui plaisent aux Français, elle a été convaincue d’erreur, de stérilité, et même aujourd’hui personne ne songerait à elle, sans des travaux historiques qui composent son unique mérite, et sans la triste influence qu’elle exerce sur nos destinées. Aussitôt après juillet parut une école qui promit de tout expliquer et de tout résoudre ; elle éclata soudainement, elle provoqua la curiosité de tous, l’intérêt de beaucoup, le dévoûment de plusieurs ; mais à peine deux ans écoulés on la cherche, elle est dispersée, dissoute, évanouie ; on l’accuse même, non sans raison, d’avoir décrié les idées qu’elle prétendait servir, d’avoir de nouveau par ses folles exubérances répandu dans les cœurs le scepticisme et le dégoût, si bien qu’à l’heure où je vous écris, monsieur, tout serait sans lien, sans cohésion, sans système, et que les sentimens et les opinions, en pleine déroute, ne sauraient plus où se rallier. Dans ce naufrage,