Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 7.djvu/476

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
472
REVUE DES DEUX MONDES.

jetait sur l’école lui était favorable ; on la trouvait unie, courageuse, ardente, se recrutant sans cesse, disciplinée, faisant mouvoir dans son sein des hommes dévoués et des vocations éclatantes, présentant un front et une surface de doctrines symétriques, positives, et qu’à la première vue on pouvait estimer complètes et nouvelles. Mais une fois le premier éblouissement passé, la réflexion et l’examen venaient décolorer et ternir ces apparences et ces impressions : si l’école offrait les dehors de l’unité, de la concorde et de l’obéissance, considérée de plus près, on y sentait l’influence nuisible d’un despotisme factice : pas de naïveté, d’indépendance et de liberté ; cette association si compacte était tendue, sans rien de naturel ; et sa dissolution rapide m’est une preuve sans réplique que les conditions nécessaires d’une association durable n’avaient pas été remplies. D’un autre côté, les doctrines ne soutenaient pas dans leur ensemble et leurs décorations les regards d’un observateur qu’un premier désenchantement avait préparé à la défiance ; sous une harmonie spécieuse et artificielle, on découvrait les pièces de rapport, les jointures mal assorties, les placages disgracieusement appliqués, les emprunts érigés en inventions, les contrefaçons préméditées données pour des créations de première venue ; on démêlait aussi une direction fausse, une déviation funeste imprimée à des principes élémentaires et générateurs, ainsi que la méconnaissance ou le mépris de faits constitutifs et primordiaux de l’humaine nature. Dès qu’on avait surpris instinctivement le secret des ellipses, des erreurs et des misères de la doctrine saint-simonienne, il était aisé de prévoir que cette hiérarchie arbitraire des personnes, et cet amalgame adultère des idées enfanteraient des schismes successifs et des désertions interminables : il n’y a de solide que ce qui est naturel ; les fictions, quelque laborieusement qu’on les accouple, ne sont pas fécondes. Effectivement elle fut courte l’unanimité de l’école saint-simonienne. Parmi les nouveaux adhérens, on vit l’un, après avoir plongé d’un effort jusqu’au fond, reprendre aussi rapidement possession de lui-même, et se séparer nettement par une absence décisive ; un autre, plus lent dans ses approches et dans sa retraite, semblait