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LETTRES PHILOSOPHIQUES.

maine, et quand après longues années, notre génération et celles qui la suivront auront renouvelé l’histoire et la pensée, découvert les fondemens et les mystères de l’Orient, passé la revue de toutes les religions antiques où le christianisme viendra prendre sa place à son rang et selon ses mérites, quand elles auront aussi scruté plus avant la nature de l’homme, quand elles connaîtront mieux son organisme physique, sa structure morale, quand surtout ces générations auront vécu long-temps, ayant foi dans l’autorité et l’indépendance de l’humaine pensée ; quand le monde les aura vus long-temps persévérer dans la raison et dans la force, alors il pourra venir, il viendra le philosophe créateur et poète, le révélateur intelligent et intelligible, chargé de faire faire à l’Occident un pas de plus, d’élargir sa conscience de Dieu, de rendre la religion plus humaine encore, et cependant plus idéale ; d’outrepasser Jésus-Christ et Spinosa, et d’agrandir dans les voies du temps l’instinct et la notion de l’éternité. Génie divin, nous ne te verrons pas ; nous et plusieurs encore auront vécu avant que tu touches la terre, pour l’enseigner et la réjouir. Si nous pouvions au moins, générations de ce siècle, préparer quelque peu ta venue, et dans le pressentiment de tes triomphes, oh ! nouveau verbe de l’esprit, puiser le courage nécessaires aux luttes que nous soutenons !

Ressusciter littéralement le panthéisme a donc été une faute ; et dans quel temps encore ? Quarante ans après une première révolution, le lendemain d’une seconde, c’est-à-dire à une époque où la liberté humaine serait perdue si elle s’éprenait aux langueurs et aux attiédissemens d’une contemplation oisive.

Ce contre-sens est d’autant plus remarquable, que le saint-simonisme s’était inquiété de relever la fierté de l’activité humaine, et avait protesté contre l’exagération de l’humilité chrétienne : il était ainsi sur la trace de la marche progressive du génie occidental. Certes, depuis le seizième siècle, l’homme n’est pas humble ; il est révolutionnaire ; il ne veut plus être pauvre d’esprit ; cette disposition incontestable s’affermira de plus en plus, c’est le levier du monde moderne.

Sur un autre point capital, la nouvelle école fut hardie ; elle