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LITTÉRATURE DANOISE.

l’espace d’un an et demi, réimprimé trois fois, ce qui n’était encore arrivé à aucun ouvrage danois. Les critiques, l’envie, les tracasseries de tout genre ne manquèrent pas à l’homme qui venait de donner à sa patrie le premier monument littéraire qu’elle pût opposer à l’Angleterre et à la France. Les raconter en détail, ce serait écrire une autre épopée comique plus longue, mais moins amusante que celle d’Holberg.

Il publia ensuite ses Satires au nombre de cinq ; puis, dégoûté de la poésie par le déchaînement que sa verve caustique avait soulevé contre lui, il se rejeta sur l’histoire et reprit un travail autrefois commencé sur la constitution ecclésiastique et civile du Danemarck et de la Norwège. Mais au milieu de ses recherches le génie comique se réveilla en lui dans toute sa plénitude, et il conçut la pensée de donner à son pays un théâtre national. Au bout de trois années (1722-25), ce plan était accompli. Holberg avait fondé à Copenhague, avec l’aide de quelques comédiens français, un théâtre, et y avait fait représenter environ vingt comédies. C’est à elles qu’il doit surtout sa renommée ; je dirai quelque chose des principales.

La première et l’une des plus célèbres comédies d’Holberg est le Potier d’étain politique. Cette pièce qu’on a tenté plusieurs fois d’introduire sur notre théâtre, n’y a jamais réussi. Elle y réussirait moins encore à présent. Le progrès de nos mœurs tendra toujours de plus en plus à mettre à la portée des classes inférieures, sinon des dernières classes, l’intelligence de la vraie politique, c’est-à-dire des intérêts et des besoins du pays. En ce sens, il n’y a, grâce à Dieu, déjà plus rien de ridicule à ce qu’un ferblantier s’occupe de politique ; mais il faut penser qu’Holberg écrivait sous un gouvernement absolu, et que sous un tel gouvernement la politique des particuliers est en effet ridicule, parce que malheureusement elle est inutile.

Le Potier d’étain est un excellent homme qui n’a d’autres travers que de s’occuper des affaires de l’Europe et de négliger les siennes. Pour le guérir de cette manie, on imagine de lui persuader qu’il est nommé bourgmestre. On peut croire que cette