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ROMANS CARLOVINGIENS.

teurs des romans de seconde ou de troisième date que nous possédons encore.

Ce fait, restât-il pour nous un fait isolé, serait déjà d’une certaine importance pour l’histoire générale de l’épopée. Mais, peut-être, parviendrons-nous à le rallier à d’autres qui, tout en le confirmant, le préciseront et l’éclairciront un peu.

Si ce que je crois avoir aperçu dans plusieurs des romans du cycle carlovingien, que j’ai lus ou parcourus, n’est pas une pure illusion, c’est une forte preuve du peu d’attention avec lequel la plupart de ces romans ont été lus par ceux qui en ont parlé. — On se figure généralement, et je conviens que cela est bien naturel, que chacun de ces romans ne forme, dans le manuscrit qui le renferme, qu’une seule et même composition, d’un seul jet, d’un seul et même auteur ; une composition ne renfermant rien d’hétérogène, rien qui lui soit étranger ou accessoire, et qui puisse distraire ou suspendre l’attention et la curiosité de qui la lit. En un mot, on se figure que les manuscrits qui nous ont conservé les romans dont il s’agit, les contiennent sans mélange, tels qu’ils sont sortis du cerveau et des mains des romanciers. Cela peut être vrai pour quelques-uns, mais cela n’est pas vrai de tous : c’est ce que je vais tâcher d’expliquer.

J’ai déjà dit, et il ne faut pas oublier, que les romans épiques du cycle carlovingien sont composés de tirades monorimes, parfaitement distinctes les unes des autres, et qui font, dans ces romans, un office équivalent à celui des octaves dans un poème italien, ou de toute autre sorte de couplets dans un autre poème.

Or, il arrive souvent, en parcourant la suite de ces tirades, d’en rencontrer qui troublent, qui interrompent cette suite d’une telle manière, qu’il est impossible de supposer qu’elles y appartiennent, qu’elles s’y trouvent du fait de l’auteur, et comme partie intégrante de son ouvrage. — En effet, chacune de ces tirades perturbatrices n’est qu’une variante de celle qui la précède, variante plus ou moins tranchée, qui porte tantôt simplement sur la rédaction, tantôt sur le fond même des choses et