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de son vieux père Elie est un moment assez intéressant ; aussi est-elle décrite avec un certain détail, et de deux différentes manières. Ce sont précisément ces deux variantes que je veux vous citer. — Le vieux Elie aime ses armes et son cheval à-peu-près autant que son fils ; aussi les premières paroles qu’il adresse à celui-ci sont-elles pour redemander ces armes et ce cheval. Je vais maintenant vous parler avec le romancier, et autant que possible dans les mêmes vers et les mêmes termes que lui.

Aiol ne veut quereller ni disputer avec son père :
Il lui amène Marchegay par la rêne dorée,
Le haubert, le blanc heaume et la tranchante épée,
La targe (l’écu) que l’on voit moult bien enluminée (peinte),
Et la lance fourbie et moult bien faite.
— Sire, voici les armes que vous m’avez donnée.
Faites-en vos plaisirs et tout ce que voulez.
— Beau fils, lui dit Elie, je vous tiens quitte.

Cette version du moment indiqué est fort simple : c’est celle que l’on supposerait volontiers avoir pu se présenter d’abord à l’esprit de tout romancier ayant à décrire le même moment ; mais elle a pour doublure une version dont on ne pourrait convenablement dire la même chose. En effet, outre qu’elle est plus développée, cette seconde version a quelque chose d’inattendu, de théâtral, qui tient à une intention ingénieuse, qui suppose une certaine recherche d’effet. — Vous allez en juger. Je vais vous citer en entier tout ce morceau, en cherchant, comme j’y vise toujours, à concilier le désir de citer textuellement avec le besoin d’être aisément compris.

Beau fils, a dit Elie, moult avez bien agi,
Qui reconquis m’avez tous mes héritages.
J’étais pauvre hier soir, aujourd’hui je suis puissant.
Mes armes, mon cheval, rendez-moi à cette heure,
Qu’autrefois vous donnai dans le bois au départ.
— Sire, ce dit Aiol, je n’ouis onques telle (demande).
L’heaume et le blanc haubert n’ont pu durer si long-temps.
La lance et l’épée, je les perdis au joûter,