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Guillaume-au-court-Nez. Il comprend tous les romans qui ont pour sujet les guerres des Sarrasins d’Espagne et des chrétiens du midi de la France, sous la conduite d’Aimeri de Narbonne et de ses descendans, dont Guillaume-au-court-Nez est le plus illustre : c’est un immense roman, de près de quatre-vingt mille vers, divisé en quinze parties ou branches, qui se suivent, ou sont censées se suivre dans l’ordre chronologique des événemens et des personnes. L’ouvrage est infiniment curieux dans son ensemble, et plein de beautés dans plusieurs de ses parties. Mais ce ne sont ni ces beautés, ni ces particularités curieuses, que je me propose de vous faire connaître ici. Ce que j’ai à vous dire de ce roman est relatif à sa composition, et à quelques-unes des nombreuses pièces qui y ont été plutôt recueillies et juxta-posées que combinées et fondues.

La division en quinze branches est l’ouvrage des copistes ou des compilateurs du treizième ou du quatorzième siècle. Ces branches sont censées former chacune un roman à part ; mais cette division a été faite après coup, d’une manière inexacte et arbitraire, qui empêche d’abord de s’assurer du véritable caractère de l’ensemble et de quelques-unes de ses parties.

Ces parties diffèrent beaucoup entre elles en étendue matérielle, différence qui en entraîne et en suppose toujours d’autres plus importantes qu’elles. Les unes sont fort longues, et forment des romans à part, romans dont l’action est toujours plus ou moins complexe, dont les incidens, plus ou moins variés, sont toujours développés longuement, avec une certaine recherche d’ornemens et d’effet. Les autres, au contraire, sont très courts : l’action se réduit toujours à un fait très simple, développé avec très peu d’artifice, et d’un ton sec et austère.

Les premières ont évidemment pour objet de satisfaire une curiosité déjà exercée, ayant déjà des besoins factices : ce sont déjà des ouvrages d’art, des romans, des poèmes, ce qu’on voudra, peu importe le nom ; mais enfin des ouvrages qui ne peuvent être les premiers de leur espèce.

Les autres, au contraire, dépassent à peine, par leur dimension ou leur objet, les simples chants populaires épiques, ces