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être bien longue, puisque les trois ne font guère ensemble que deux mille vers ; la plus courte de toutes est le Charroi, qui ne va pas à plus de quatre cents vers ; chacune des deux autres peut en avoir à-peu-près le double.

Cette dimension n’excède pas ou n’excède guère celle à laquelle peuvent s’étendre les simples chants populaires. J’aurai à vous parler de chants serviens dont plusieurs approchent de cette étendue, et dont quelques-uns la passent.

Maintenant, le biographe du fameux duc Guillaume-le-Pieux, le Guillaume-au-court-Nez des romanciers, certainement antérieur au douzième siècle, et selon toute probabilité au onzième, ce biographe assure qu’il circulait de son temps divers chants populaires sur les exploits du duc Guillaume ; et son témoignage à cet égard n’est pas récusable, car il a admis dans sa légende des fables empruntées de ces mêmes chants.

Je ne dirai point que les deux ou trois petites épopées que je viens d’indiquer comme confondues ou rapprochées en une seule, soient la version exacte, l’équivalent absolu de quelques-uns de ces chants populaires sur Guillaume-le-Pieux dont parle le biographe de celui-ci ; mais je ne doute pas qu’elles ne s’y rattachent pour le fond, et qu’elles n’en soient une forme assez peu altérée.

Je crois être arrivé de la sorte à démêler dans les romans épiques du cycle carlovingien que nous avons aujourd’hui, quelques indices de la marche qu’ils ont suivie dans leurs développemens successifs. J’ai tâché de marquer le point curieux où ils se rattachent à ces chants populaires, dont ils ne sont, comme toutes les épopées primitives, que des transformations, que des amplifications indéfinies, plus ou moins heureuses, plus ou moins fausses, selon des circonstances de temps et de lieu, qu’il ne s’agit pas ici d’apprécier.

Quant à ces chants populaires, germes premiers de l’épopée complexe et développée, il est de leur essence de se perdre, et de se perdre de bonne heure, dans les transformations successives auxquelles ils sont destinés. Ils s’évanouissent ainsi peu-à-peu, par degrés, à fur et mesure des altérations qu’ils subissent,