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copaux : le régent, fatigué, chargea une commission, composée de maréchaux et de ducs, d’aviser à un parti prompt et décisif. Le pape à cette nouvelle est épouvanté ; il apprend aussi que des conférences ont lieu à Paris entre l’ambassadeur d’Angleterre et les membres les plus suspects de la Sorbonne ; il croit voir le moment tant prédit où l’église gallicane doit, comme l’anglicane, recouvrer son indépendance. « En moins de quarante-huit heures, il expédie, non-seulement les douze bulles épiscopales, non-seulement d’autres grâces qui étaient en instance, mais jusqu’à d’anciennes affaires oubliées dans la poudre des greffes ; pour plus de sûreté, il envoie lui-même un courrier chargé de tant de faveurs, et ce malheureux fit une si grande diligence, qu’il expira en arrivant à Paris. »

Telle est Rome, ajoute l’historien, tyrannique avec les faibles, servile avec les forts. La réflexion est bonne, et devrait profiter à ceux qui gouvernent.

À mesure que le pontificat romain s’affaisse, on voit dans l’histoire grandir l’église de France : il est impossible de rencontrer une élite plus nombreuse et mieux continuée, depuis Suger jusqu’à Massillon, d’hommes politiques, savans, pieux, éloquens. Or, dans ses relations avec Rome, l’église de France eut toujours quelque chose d’indépendant et de schismatique, non qu’elle en eût le dessein arrêté, mais la nature des choses l’entraînait, et il était trop déraisonnable que toutes les lumières et les vertus du clergé d’une grande nation fussent soumis absolument à la domination ultramontaine. J’en produis pour témoin Bossuet. Ce grand homme, au fond, s’estimait supérieur à Rome ; il lui a été fatal ; comme de concert avec Louis xiv, il a montré possible la séparation complète de l’église gallicane. Et Fénelon, en obéissant au Vatican, ne l’a-t-il pas ébranlé ? Il est des soumissions insolentes et de triomphantes résignations.

Que le sort de la religion chrétienne a été différent en Allemagne et en France ! Chez vous, monsieur, le christianisme se régénéra dès les premiers momens de l’éveil donné au génie moderne ; il redevint moral, pratique, raisonnable, savant ; c’était pour lui une véritable renaissance ; il reprenait tous les