Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 8.djvu/192

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
186
REVUE DES DEUX MONDES.

institue pour sa défense et pour sa garde une milice, une chevalerie spéciale, qui se nomme la chevalerie du Temple, et dont les membres prennent le nom de Templiens ou de Templiers. Ces chevaliers font vœu de chasteté, et sont tenus à une grande pureté de sentimens et de conduite. — L’objet de leur vie, c’est de défendre le Graal, ou pour mieux dire, la foi chrétienne, dont ce vase est le symbole contre les infidèles.

Je l’ai déjà insinué, et je puis ici l’affirmer expressément, il y a dans cette milice religieuse du Graal une allusion manifeste à la milice des Templiers. Le but, le caractère religieux, le nom, tout se rapporte entre cette dernière chevalerie et la chevalerie idéale du Graal ; et l’on a quelque peine à comprendre la fiction de celle-ci, si l’on fait abstraction de l’existence réelle de l’autre.

Or, si l’on admet dans les romans cités une allusion à l’institution des Templiers, c’est une nouvelle raison pour croire ces romans originairement composés dans le midi, et en langue provençale.

Bientôt après son établissement à Jérusalem, cette milice religieuse se répandit dans le midi de la France et au nord-est de l’Espagne, où elle ne tarda pas à devenir riche et puissante. Dès l’an 1136, Roger iii, comte de Foix, fonda dans ses états une maison du temple, la première de celles qu’il y eut en Europe. Six ans après, en 1142, Raimond Bérenger iv, comte de Barcelonne et roi d’Aragon, institua dans ses états, pour faire la guerre aux Sarrasins d’Espagne, un autre corps de milice religieuse, à l’instar et sous la dépendance des Templiers. Il paraît que, de ces deux succursales du temple de Jérusalem, la première au moins fut fondée dans les Pyrénées, et qu’en peu d’années les châteaux, les églises, les chapelles de Templiers se multiplièrent dans ces montagnes. Or, il n’y avait rien qui fut plus dans l’esprit de la poésie provençale que de célébrer une chevalerie guerrière qui se donnait pour tâche l’extermination des Sarrasins.

Les deux noms de Montsalvat et de Montsalvatge, donnés à la montagne sur laquelle est bâti le temple du Graal, sont tous les deux en pur provençal. Divers autres noms, soit de lieu soit de