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LE CLOU DE ZAHED.
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— Tu voudrais donc devenir riche ?

— Tu le sais, pour cela je donnerais mon ame.

— Et pour acquérir ces richesses, tu promets de m’obéir, tu jures d’exécuter tout ce que je vais te commander ?

— Tout, fût-ce de mettre le feu à Baghdad, ou de traverser à pied le Sahara, de Baghdad à la Mecque.

— Eh bien donc ! brave Zahed, réjouis-toi, car je te donnerai de l’or pour avoir aussi des coursiers, des esclaves, des sérails !… Écoute ! N’entends-tu pas le bruit de plusieurs chevaux qui hennissent du côté de l’Euphrate ?

— Non, c’est un lion qui passe dans les roseaux.

L’étranger reprit :

— Tu pourras alors abandonner ta vie errante, tu pourras venir à Baghdad déployer ce luxe que tu hais dans les autres hommes, tu pourras à ton tour exciter l’envie et disputer aux pachas de Moussoul et de Bassorah la possession des belles Mingréliennes que les marchands de Stamboul conduisent chaque année dans les bazars de l’Irack-Arabi.

— Tais-toi, interrompit Zahed, ne fais pas briller à mes yeux les perles du paradis, si tes paroles doivent s’envoler au vent, aussi légères et aussi vaines que cette poignée de sable, car alors, vois-tu, je serais capable de t’ôter la vie. Tu as excité en moi une fièvre qui me brûle jusqu’à la moelle des os ; il me faut de l’or ou du sang pour l’éteindre.

L’étranger sourit en jouant avec la poignée d’un sabre magnifique qui pendait à sa ceinture.

— Tu auras l’un et l’autre, brave Zahed, pour calmer ta fièvre ; mais ce n’est pas sur ton bienfaiteur que tu dois prononcer cet anathème. Un autre… Écoute, cette fois je ne me trompe pas, ce sont bien des voix d’hommes que j’entends. Remonte sur ton cheval, prépare tes armes ; tu es brave et habile à manier les armes. Prends ce fusil : il faut que cette foule de misérables esclaves tombe sous nos coups et se disperse. Seulement fais en sorte que cet homme à barbe blanche, que tu peux apercevoir d’ici, reste vivant entre nos mains ; alors je tiendrai ma promesse. C’est à toi maintenant de te montrer fidèle à la tienne.

— Je ne reculerai pas devant le sang, dit Zahed en sautant