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LETTRES PHILOSOPHIQUES.

l’Évangile hors la loi de l’humanité, je ne veux pas prendre ma part d’une pareille impiété.

L’écueil où viennent toujours se briser les soutiens du passé est l’obligation où ils se trouvent d’injurier le présent et l’histoire de la patrie depuis quarante années. Cette révolution, qui a fait l’admiration et le salut du monde, n’a été ni nécessaire ni légitime ; nos grands hommes, orateurs et guerriers, sont des factieux ; notre gloire est exceptionnelle ; on pourra la couvrir d’une amnistie à force de clémence : notre émancipation est une folie ; il faudra retourner en 1788, relire les cahiers de nos pères, en extraire quelques humbles vœux et les présenter au bon plaisir de la légitimité triomphante.

Mais, disent les partisans de l’ancienne société, nous avons abdiqué le droit divin ; seulement nous sommes restés fidèles à l’hérédité du pouvoir monarchique de mâle en mâle par ordre de primogéniture ; ce principe est à nos yeux le fondement de l’ancien droit national français et doit vivre éternellement : voilà pour nous quelle est la légitimité. Cette proposition, qui semble plus modeste et plus raisonnable, n’a ni moins d’inconvéniens ni plus de vérité que la théorie du droit divin ; c’est toujours la négation des résultats de 1789 ; c’est toujours contester au peuple français sa souveraineté ; c’est lui refuser l’omnipotence là où il importe le plus qu’il la garde pour l’exercer au jour marqué. La constitution de 1791 maintint la royauté, mais elle abaissa le droit du trône devant le droit du peuple : elle fit du sceptre une magistrature utile, un ministère public ; elle n’abolit pas la monarchie, mais elle voulut la convertir et la tourner doucement en démocratie. Dans cette œuvre, la Constituante obéit à l’impulsion de son siècle et de la France : il n’y eut rien là d’arbitraire. Depuis Louis xiv, le pouvoir royal avait constamment reculé devant les progrès de la société, devant les agrandissemens d’un peuple intelligent et laborieux. Voilà pourquoi aujourd’hui la France, qui a commencé son histoire par l’aristocratie féodale, qui s’est ensuite affermie sous l’autorité d’une monarchie glorieuse et forte, travaille à se développer et à s’asseoir dans les formes nouvelles d’une démocratie constituée. Hors de ce point de