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jaune et bilieux, se promenant les mains croisées derrière le dos, avec cette morgue et cette suffisance qu’on lui connaît ; la doctrine avisant, devisant, revisant ; la doctrine faisant et défaisant ses listes de pairs et de ministres ; la doctrine infatigable, sans cesse ourdissant des trames sans cesse rompues ; la doctrine méditant, complotant, tâtonnant, essayant de circonvenir la presse, et cherchant à faire tomber le Constitutionnel dans ses filets ; la doctrine envoyant ses philosophes en campagne, par les couloirs et les escaliers dérobés, expédiant ses courriers à Strasbourg, et tendant ses piéges à la porte des loges des ministres.

De toute cette diplomatie de coulisses et de foyer, vous savez ce qu’il est résulté.

Mais dans la salle, il se jouait d’autres scènes, plus intéressantes et plus aimables ; les oreilles et les regards étaient enivrés. On était heureux, on battait des mains. On écoutait madame Damoreau, ou bien l’on suivait au ciel mademoiselle Taglioni.

C’est aussi pendant ces soirées-là, que s’est établi et pleinement confirmé le succès du Serment, opéra nouveau de MM. Scribe et Auber.

À l’occasion du poème de M. Scribe, nous ne nous engagerons pas assurément dans la guerre que font les feuilletons aux libretti, depuis un temps immémorial. Il serait sage pourtant d’en prendre son parti. Tant que les poètes ne viendront pas aux musiciens, il faudra bien que les musiciens s’arrangent de M. Scribe et consorts, et que nous nous en contentions nous-mêmes. Et puis, d’ailleurs, qu’importe ? MM. Auber, Rossini et Meyerberr mettent leur riche musique sur les pauvres poèmes de M. Scribe, comme on met un tapis magnifique sur une vieille et mauvaise table, et, Dieu merci ! nous ne regardons alors et ne voyons que le tapis.

Ainsi, quant au Serment, nous n’avons ni compris ni essayé de comprendre la fable et les paroles de cet opéra, mais nous avons pleinement joui de la brillante et gracieuse partition dont M. Auber l’a revêtu. Parmi les nombreux ouvrages de ce compositeur, il y en a peu qui offrent autant de chants spirituels et élégans. Dans une autre couleur, le final du second acte, morceau plein de chaleur et de caractère, est aussi l’un des plus vigoureux qu’ait écrit l’auteur de la Muette.

Nous qui venons tard souvent pour parler d’un nouvel ouvrage, nous qui venons souvent après tous les feuilletons qui l’ont examiné, nous devons au moins combattre et rectifier leur critique sur les points importans, lorsqu’elle nous semble injuste et mal fondée.

Beaucoup de journaux se sont élevés contre le bonnet de coton blanc