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POÈTES CONTEMPORAINS.

L’écho te renvoyait tes paroles aimées ;
Les moindres des chansons anciennement semées
Sur ta route en festons pendaient comme au hasard :
Les oiseaux par milliers, nés depuis ton départ,
Chantaient ton nom, un nom de tendresse et de flamme,
Et la vierge, en passant, le chantait dans son ame.
Non jamais toit chéri, jaloux de te revoir,
Jamais antique bois où tu reviens t’asseoir,
Milly, ses sept tilleuls ; Saint-Point, ses deux collines,
N’ont envahi ton cœur de tant d’odeurs divines,
Amassé pour ton front plus d’ombrage, et paré
De plus de nids joyeux ton sentier préféré !

Et dans ton sein coulait cette harmonie humaine
Sans laisser d’autre ivresse à ta lèvre sereine,
Qu’un sourire suave, à peine s’imprimant ;
Ton œil étincelait sans éblouissement,
Et ta voix mâle, sobre et jamais débordée,
Dans sa vibration marquait mieux chaque idée !

Puis, comme l’homme aussi se trouve au fond de tout,
Tu ressentais parfois plénitude et dégoût.
— Un jour donc, un matin, plus las que de coutume,
De tes félicités repoussant l’amertume,
Un geste vers le seuil qu’ensemble nous passions :
« Hélas ! t’écriais-tu, ces admirations,
« Ces tributs accablans qu’on décerne au génie,
« Ces fleurs qu’on fait pleuvoir quand la lutte est finie,
« Tous ces yeux rayonnans éclos d’un seul regard,
« Ces échos de sa voix, tout cela vient trop tard !
« Le Dieu qu’on inaugure en pompe au Capitole,
« Du Dieu jeune et vainqueur n’est souvent qu’une idole !
« L’âge que vont combler ces honneurs superflus,
« S’en repaît, — les sent mal, — ne les mérite plus !
« Oh ! qu’un peu de ces chants, un peu de ces couronnes,
« Avant les pâles jours, avant les lents automnes,
« M’eût été dû plutôt à l’âge efflorescent,
« Où jeune, inconnu, seul avec mon vœu puissant,
« Dans ce même Paris cherchant en vain ma place,
« Je n’y trouvais qu’écueils, fronts légers ou de glace,
« Et qu’en diversion à mes vastes désirs,
« Empruntant du hasard l’or qu’on jette aux plaisirs,