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avaient peut-être, avec un peu plus de vague, encore plus de largeur et d’étendue. C’est ce qu’on observe en lisant son plan d’un dictionnaire chinois, qui parut en 1814. Ce plan gigantesque contient des parties qu’il serait peut-être impossible et certainement inutile d’exécuter jamais.

L’auteur de ce plan[1] ne se dissimulait pas quelle immense lecture il exigeait, et on voit qu’il ne s’effrayait pas de la pensée que lui-même pût être appelé à le remplir. Mais ce projet n’eut pas de suites, et on peut se féliciter que M. Rémusat n’ait pas usé ses forces dans une entreprise si démesurée. Depuis ce temps, deux dictionnaires chinois ont été imprimés, celui du père Basile de Glémona en France, et celui du révérend Morrison à Macao.

Le dictionnaire laissé manuscrit par le père Basile a été imprimé sous l’empire par les soins de M. de Guignes fils, soins qui, à vrai dire, ne furent pas très-diligens, ni surtout dirigés par une connaissance bien profonde du chinois. Composé sur une échelle beaucoup plus modeste, ce dictionnaire, malgré ses imperfections et celles dont l’a enrichi son éditeur, est fort utile pour l’étude, surtout si l’on y joint l’excellent supplément de M. Klaproth, qui en complète les lacunes et en rectifie les erreurs ; en tête de ce supplément est un examen critique du dictionnaire en question, dont M. Rémusat s’est avoué l’auteur. C’est un modèle de savoir, de finesse et de malice. M. de Guignes fils ayant oublié de mettre sur le frontispice de l’ouvrage qu’il publiait, le nom du père Basile qui l’avait composé, M. Rémusat commença son examen critique par une anecdote chinoise, dans laquelle figurent un lettré, pauvre et savant, auteur d’un dictionnaire, et un bibliothécaire ignorant qui, après avoir mis son nom à ce dictionnaire, est reconnu pour plagiaire, et solennellement flétri comme tel ; suivait immédiatement le récit de ce qui s’était passé à l’occasion de la publication du manuscrit du père Basile, et le soin de faire le rapprochement et de tirer la conclusion était laissé au lecteur.

Quant au dictionnaire de M. Morrison, il semblait être conçu d’après le plan que huit ans auparavant M. Rémusat avait indiqué dans l’opuscule dont j’ai parlé plus haut. Aussi, lorsqu’en 1822

  1. Mélanges asiatiques, tome ii, pag. 96.