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quelques-unes des richesses inutiles dont M. Rémusat avait encombré son programme, comme tout ce qui tient aux variations de l’écriture, aux altérations locales de la prononciation, et en donnant en revanche le plus possible d’exemples du style poétique et fleuri, partie difficile de la langue chinoise, où M. Jullien a déjà fait tant de progrès, et sur laquelle nous appelons la continuation de ses efforts et de ses succès.

Enfin deux chaires furent créées pour les deux hommes qui avaient créé une étude, une branche de savoir dans leur patrie. M. Rémusat vint au Collége de France fonder un enseignement qui ne s’éteindra plus parmi nous. Dans son discours d’ouverture, il rendit un hommage, que personne ne peut désavouer, à cette illustre mission de la Chine, qui a produit tant d’hommes distingués, et d’où sont sortis tant de travaux utiles ; il apprécia avec impartialité le zèle et les efforts de Fourmont, admira sans restriction Des Hauterayes et de Guignes, et réclama en leur nom pour la France la suprématie dans un district de l’érudition où les étrangers n’étaient entrés que quand nous l’avions quitté, et où ils n’avaient paru que pour rehausser notre gloire par leur infériorité. Il attaquait avec chaleur les préjugés si répandus sur la difficulté de la langue chinoise et son peu d’importance. Il s’écriait : « Une littérature immense, fruit de quarante siècles d’efforts et de travaux assidus, l’éloquence et la poésie s’enrichissant des beautés d’une langue pittoresque, qui conserve à l’imagination toutes ses couleurs ; la métaphore, l’allégorie, l’allusion concourant à former les tableaux les plus rians, les plus énergiques ou les plus imposans ; d’un autre côté, les annales les plus authentiques que nous tenions de la main des hommes, déroulant à nos yeux les actions presque ignorées, non-seulement des Chinois, mais des Japonais, des Coréens, des Tartares, des Thibetains, ou des habitans de la presqu’île ultérieure de l’Inde, ou nous développant les dogmes mystérieux de Bouddha, ou ceux des sectateurs de la Raison, ou consacrant enfin les principes éternels et la philosophie politique de l’école de Confucius : voilà les objets que les livres chinois offrent à l’homme studieux qui, sans sortir de l’Europe, voudra voyager en imagination dans ces contrées lointaines. Plus de cinq mille volumes ont été rassemblés à grands frais à la Bibliothèque du