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près de lui, lui fit, pour l’avenir, des promesses encourageantes, et lui réserva, en attendant, pour dédommagement de ce que l’on avait ôté à son père, la Provence entière, dont la moitié appartenait à la maison de Barcelonne et d’Aragon.

Les historiens ecclésiastiques de la guerre des Albigeois, qui en sont censés les historiens officiels, érudits, qui ont fait seuls jusqu’à présent autorité dans le récit de cet événement, ces historiens ont à peine trouvé quelques mots à dire de cette monstrueuse intrigue politique dénouée ou tranchée, en 1215, au concile de Latran. Ce n’est pas d’après eux que l’on pourrait s’assurer que cette assemblée de prêtres ne fut, en réalité, qu’un grand congrès politique dans lequel les passions, les idées, les ambitions, les intérêts matériels de l’époque furent un moment aux prises les uns avec les autres. Je rapporterai tout ce que dit là-dessus le plus spécial et le plus connu des historiens dont il s’agit, Pierre, moine de Vaux-Cernay, monastère de chartreux, dans le diocèse de Paris. — Cela sera curieux à comparer avec la partie correspondante du récit de notre historien populaire. Voici comment le moine panégyriste de Simon de Montfort et de la croisade des Albigeois parle du concile de Latran :

« Entre diverses choses dont il fut traité dans ce concile, il y fut traité de l’affaire de la foi contre les Albigeois. Raymond, auparavant comte de Toulouse, accompagné de son fils, et le comte de Foix, ces perturbateurs manifestes de la paix et de l’Église, étaient venus au concile demander la restitution des terres qu’ils avaient perdues par les armes des croisés et par la censure divine. Le noble comte de Montfort y avait de son côté envoyé son frère, Guy de Montfort, et d’autres savans et fidèles députés. Enfin il n’est que trop vrai qu’il y eut aussi là certains hommes, et même ce qui est plus triste, des prélats, qui, opposés à l’affaire de la foi, favorisèrent la tentative des comtes, pour se faire restituer leurs états. Mais le conseil d’Architofel ne prévalut pas, et le désir des pervers fut frustré. »

Le passage correspondant à celui-là dans l’historien populaire des Albigeois, a plus de quinze cents vers, et ce n’est pas à raison de cette particularité matérielle qu’il en diffère le plus ; c’est par