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contre-sens historique, que d’appeler néant et poussière, la démocratie moderne, surtout en ce qui concerne la France. Qui donc a toujours chez nous entravé le pouvoir, et n’a jamais su s’en servir, si ce n’est l’aristocratie ? C’était le tiers-état qui tirait de ses rangs les conseillers de la monarchie et menait les affaires. L’unité forte du pouvoir exécutif est indispensable à la France, et vous accorderez à un peuple assez de raison pour qu’il puisse sentir ce dont il a besoin. Il ne faudrait pas non plus que les cours de l’Europe nous prissent en dédain, parce que nous sommes des plébéiens. L’orgueil aristocratique trouvera au moins son égal dans la fierté des hommes qui représenteront le peuple ; la révolution française peut consentir à traiter avec tout le monde, mais en reine : nous ne sommes pas, en Europe, des parvenus ; vieux et novateurs, nous sommes les fils aînés de la civilisation.

Comprenez-vous maintenant, monsieur, tout ce qu’il y a de républicanisme inévitable dans la tournure de nos idées et de quelques-unes de nos institutions ? Qu’est-ce que la liberté de la presse, que notre constitution déclare inviolable, si ce n’est le plus vrai symptôme de la liberté républicaine ? qu’est-ce que l’institution du jury ? qu’est-ce que l’égalité devant la loi ? qu’est-ce qu’une partie de la population sous les armes ? qu’est-ce que la tribune législative ? Et, dans nos habitudes, qu’est-ce que la fierté du tiers-état vis-à-vis des restes de l’antique noblesse ? Qu’est-ce que l’indépendance du prolétaire dans ses rapports avec la bourgeoisie ? Le républicanisme ne s’est-il pas fait jour jusque dans la doctrine des partisans de la vieille légitimité ? Ne leur avez-vous pas entendu parler, soit des états-généraux, soit des assemblées primaires, tant l’ascendant de la vérité est irrésistible ! L’Europe peut nous regarder comme des républicains, par la même raison qu’au dix-huitième siècle, elle considérait, avec Montesquieu, l’Angleterre comme un état libre, comme une république originale et moderne.

Étudiez sincèrement la civilisation française, vous la trouverez, sur plusieurs points, sincèrement républicaine. Le dix-neuvième siècle est un siècle puissant et fort ; le jeune géant grandit ; on peut croire à certains instans qu’il sommeille, mais le voilà qui fait un pas, et le monde est ébranlé ; quelquefois il semble irré-