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temps qu’elle est la plus haute de toutes, est aussi la plus difficile dans ses applications. Il faut comparer le poème de M. Hugo à la pensée humaine, envisagée en elle-même et pour elle-même, dans sa plus grande généralité, c’est-à-dire dans sa vérité la plus grande. Les chroniques ne serviraient de rien, il n’y a pas songé un seul instant. Les livres seraient vainement consultés et ne répondraient pas à nos questions. Il ne s’agit ici d’aucune sorte d’imitation, si ce n’est de l’imitation d’une idée personnelle à l’auteur.

Obligés d’accepter le combat sur ce terrain mystérieux, que la réflexion la plus attentive peut seule éclairer d’un jour certain, nous devons essayer de remonter à la source première du poème que nous avons sous les yeux. Puisqu’il nous est impossible de vérifier sur les récits du passé, dans la série des faits accomplis, l’exactitude et la fidélité du poète, c’est au cœur humain lui-même qu’il faut nous adresser pour déterminer la valeur de cette œuvre nouvelle.

La fable inventée par M. Hugo est d’une extrême simplicité. Pour réaliser plus sûrement la méthode philosophique à laquelle je me suis arrêté, je la dégagerai pourtant des rares accessoires qui compliquent l’effet scénique. À mes yeux tout le drame se réduit à trois acteurs : un roi, une jeune fille, un père. Eux seuls occupent le premier plan, c’est à eux que se rapporte l’action tout entière ; les autres personnages ne jouent qu’un rôle subalterne et secondaire. Au premier acte, nous avons le roi au milieu de sa cour, hautain, insouciant, amoureux de plaisir et d’aventures, libertin sans passion, trouvant bons tous les moyens qui mènent à l’accomplissement de ses désirs effrénés, mettant les sens bien au-dessus du cœur, foulant aux pieds tout ce qui peut contrarier ses caprices. Au second acte, c’est un père qui n’a d’autre consolation, d’autre bonheur au monde que la candeur et la beauté de sa fille, qui se réfugie en elle comme dans un asile inviolable et sacré, qui repose ses yeux sur son front et trouve dans ses regards une joie sans cesse renouvelée. Au troisième acte, la lutte s’engage entre le père et le roi. Le roi a flétri la jeune fille de ses impures caresses, il a mis en lambeaux sa ceinture pudique : il a jeté dans son lit, comme une folle courtisane, une