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doutable que le fusil dans celles des Européens. Leur industrie se borne à fabriquer leurs arcs, ainsi que leurs canots, et les autres petits instrumens qu’ils emploient à différens usages. Je passe rapidement sur ces détails déjà connus, pour revenir à mon voyage.

On ne peut remonter l’Oyapock, ainsi que les autres rivières de la Guyane, que pendant la saison sèche, d’août en novembre inclusivement, lorsque leurs eaux, gonflées par les pluies diluviennes de l’hivernage, sont rentrées dans leur lit, et que leur courant n’oppose plus une résistance invincible aux rameurs. Lorsque j’y arrivai, les eaux étaient à leur minimum d’élévation ; mais un obstacle imprévu faillit m’arrêter. Les Indiens du bas de la rivière étaient alors occupés à brûler leurs abatis, réparer leurs carbets, et je n’en trouvai point qui voulussent se louer pour faire le voyage avec moi. Après plusieurs jours de recherches inutiles, j’appris qu’un habitant, plus heureux que je ne l’avais été, se préparait à remonter pour aller faire des échanges avec les Oyampis. Je me joignis à lui, et, le 20 octobre, nous fûmes coucher au premier saut. Nos moyens de transport consistaient en deux canots, dont le plus grand était destiné à notre usage ; l’autre contenait les femmes des cinq Indiens qui formaient notre équipage, avec leurs pagaras, leurs vivres, et les autres petits objets qu’ils ont coutume d’emporter en voyage. Chacun de ces canots était recouvert à l’arrière d’un pomacari, ou dôme fait en branchages, et recouvert de feuilles de tourloury[1], tressées ensemble. Quand ces pomacaris sont bien faits, la plus forte averse ne peut les traverser, et ils sont de longue durée. Nous passâmes la nuit dans un des carbets qui existent sur les premiers îlots du saut, et qui sont l’ouvrage des Indiens ou des habitans qui viennent quelquefois y prendre le plaisir de la pêche.

Il faut appliquer aux sauts de l’Oyapock, mais sur une moindre échelle, la description que fait M. de Humboldt de ceux d’Aturès et de Maypurès dans l’Orénoque ; ce sont, comme ces derniers, de véritables rapides ou raudales qui interrompent complètement la navigation pour tous autres bâtimens que de légères pirogues ; et encore ne peut-on les franchir avec ces dernières,

  1. Espèce de palmier.