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EXCURSION DANS L’OYAPOCK.

avions déjà à notre service, et qui avaient différé jusque-là l’exécution de notre marché.

Le salaire d’un Indien, pour un mois, est censé être de 25 à 30 francs ; mais comme on les paie en objets sur lesquels on fait un très-grand bénéfice, ils ne reçoivent ordinairement que 10 à 12 francs. Les nôtres se contentèrent de trois aunes d’indienne, ou de guinée bleue, pour faire des calimbés pour eux et des camisas pour leurs femmes. L’argent n’a aucun prix pour les Indiens, et ils n’ont pas même une idée approximative de sa valeur. J’en ai vu, plus d’une fois, demander au hasard, et par un caprice, 15 ou 20 francs d’un objet, et le donner un instant après pour un sabre valant 3 francs, ou toute autre bagatelle de moindre valeur encore. Les articles qui leur plaisent le plus sont des guinées ou des indiennes imprimées, des sabres d’abatis, haches, couteaux, miroirs, rasades, hameçons, etc. Ils donnent en échange du couac, des coques ou canots faits d’une seule pièce avec un tronc d’arbre, des arcs, des hamacs, des animaux vivans et d’autres curiosités. Un canot vaut plusieurs haches, suivant sa grandeur ; un hamac, une hache ; un arc, un couteau ou un miroir ; un perroquet, le même prix, etc.

Le 23, nous quittâmes le capitaine Alexis. L’Oyapock forme, en cet endroit, un labyrinthe d’îles, entremêlées de roches qui se prolongent pendant une étendue considérable. Son cours devient plus régulier et plus libre à mesure qu’on approche de l’ancienne Mission de Saint-Paul, où nous arrivâmes à l’entrée de la nuit.

Cette Mission, fondée par les jésuites vers le tiers du dernier siècle, a cessé d’exister comme toutes celles de la Guyane, lors de leur expulsion en 1762. Ils en avaient choisi l’emplacement, avec leur tact ordinaire, sur la rive gauche de la rivière, dans un endroit où elle décrit une légère courbe, et présente un coup d’œil superbe de tous les côtés. La hauteur sur laquelle elle était située s’élève par une pente douce, et forme un plateau étendu adossé à d’autres collines plus élevées, du pied desquelles s’étendaient les plantations jusqu’au bord de la rivière. Il ne reste plus, des édifices élevés par les missionnaires, que quelques poutres