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MŒURS DES AMÉRICAINS.


Le passage suivant prouve que c’est encore moins la vie de l’homme que celle de l’Américain, qui excite le respect du magistrat.


« Pendant que j’étais à Philadelphie, l’attention publique fut vivement excitée par la situation de deux criminels condamnés à mort pour avoir arrêté et volé la malle-poste de Baltimore. Comme la peine capitale est rare en Amérique, la prochaine exécution de ces deux personnages était le sujet de toutes les conversations. Un gentleman qui mangeait à notre table d’hôte nous apprit un fait qui augmenta cet intérêt. Un des deux condamnés avait déclaré à l’ecclésiastique qui allait le visiter en prison, qu’il était certain de sa grâce, et rien de ce qu’avait pu lui dire ce dernier pour le désabuser de ce qu’il considérait comme une illusion, n’avait ébranlé sa conviction. Pendant plusieurs jours, la conversation roula sur ce fait dont l’exactitude ne tarda pas à se confirmer, et bientôt on commença à conjecturer que l’espérance du criminel pouvait bien n’être pas sans quelque fondement. Ces discussions m’apprirent que l’un des condamnés était Américain et l’autre Irlandais, et que c’était le premier qui avait une conviction si forte qu’on ne le pendrait pas. Quelques-uns de nos habitués soutenaient la thèse que, si l’un était pendu et que l’autre ne le fût pas, l’exécution du premier serait un meurtre et nullement une exécution légale. Un point admis comme constant dans ces discussions, c’est que presque tous les hommes de couleur blanche exécutés depuis la déclaration d’indépendance des États-Unis avaient été des Irlandais. Je n’avais aucun moyen de vérifier l’exactitude de ce fait ; tout ce que je puis dire, c’est qu’il n’était point contesté. J’ajoute que dans le cas particulier dont il s’agit, l’Irlandais fut pendu et l’Américain gracié. »


Du reste, la détention solitaire qui est ordinairement substituée à la peine de mort, est aux yeux de mistress Trollope un châtiment plus terrible encore.


« Nous visitâmes à Washington la maison pénitentiaire qui venait d’être terminée : elle est destinée à recevoir les criminels condamnés pour la vie à la détention solitaire. Le spectacle d’une prison ordinaire produit une impression agréable, quand on la compare à celle qu’on éprouve en visitant ces effrayantes cellules. Il n’y a point de miséricorde à substituer une telle peine à celle de la mort, et pour trouver un motif légitime de préférence, il faut l’aller chercher dans la plus grande terreur que la détention solitaire produit sans doute sur les citoyens. Sur cent créatures humaines qui auraient subi pendant une année seulement cette terrible