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REVUE. — CHRONIQUE.

rien été. On n’a pas séparé les combattans. On a souffert que ce duel à mort se continuât.

Quant à l’Europe, c’est elle qui donne maintenant le bon exemple. Son expérience lui a profité. À force d’être folle, elle est devenue sage. Ainsi tout récemment, bien que ce fût pour elle un grand crève-cœur, elle nous a laissés prendre sous ses yeux la citadelle d’Anvers, et tant qu’a duré le siège, elle nous a regardés magnanimement l’arme au bras, sans broncher. Il est vrai que nous, de notre côté, nous avons été admirables de modération. Nos bombes n’ont tué de Hollandais que le strict nécessaire. Nos batteries n’ont fait de brèche aux murs de la forteresse que tout juste ce qu’il en fallait pour les jeter bas. Puis, cette pacifique conquête achevée, notre armée s’est hâtée de revenir en France, afin d’y être passée en revue, emmenant d’ailleurs la garnison hollandaise, non point prisonnière de guerre, comme cela se fût autrefois pratiqué, mais prisonnière de paix, ce qui est bien différent, surtout pour cette garnison privilégiée que l’on garde à Saint-Omer.

Au-delà des Pyrénées, la réforme politique continue à se conduire avec une louable prudence. Les libéraux y avancent lentement, mais ils avancent ; chaque jour ils gagnent quelques nouveaux pouces de terrein : malgré bien des résistances, M. d’Offalia vient d’être nommé ministre de l’intérieur ; et ce qui est plus important encore, le roi, dont le silence devenait inquiétant, s’est enfin prononcé lui-même. Il a protesté solennellement contre la violence qui avait profité de sa maladie, pour lui arracher le sacrifice des droits de sa fille. Ce dernier acte est décisif. Puisque voici Ferdinand vii qui s’embarque aussi à bord de la Liberté, c’est pour elle un lest suffisant. Quoi que fassent maintenant les vagues de l’absolutisme, elles n’abîmeront pas ce glorieux navire qui va bien assurément aller conquérir pour l’Espagne un autre nouveau monde.

À Paris, le petit différend qui s’était élevé entre nos ministres de l’intérieur et du commerce, s’est terminé par un échange d’hôtels et de portefeuilles. Ces messieurs ont un beau matin traversé, chacun de leur côté, la rue de Grenelle-Germain, laissant seulement ce qu’ils ne pouvaient emporter. À ce marché pourtant,