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est le gouffre le plus perfide ; la boucle de ses cheveux flottans est un filet.

« Le vin est la boisson d’Oden, et l’ivresse t’est permise, si tu la portes sans t’oublier. Qui chancelle à terre peut se relever, qui chancelle à bord, va trouver Ran l’endormeuse[1].

« Si le marchand passe, protége son navire, mais qu’il ne refuse pas le tribut. Tu es roi sur les vagues, il est esclave de ton gain ; ton acier vaut bien son or.

« Le butin doit être partagé à bord par le sort ; quel que soit ton partage, ne murmure point. Le roi de la mer ne jette pas les dés ; il ne garde pour lui que la gloire.

« Si un pirate se montre, il est attaqué, on va à l’abordage, la mêlée est chaude sous les boucliers. Si tu recules d’un pas, tu as ton congé, c’est la loi ; fais ensuite comme tu voudras.

« Quand tu as vaincu sois content ; qui demande grâce n’a plus de glaive, n’est plus ton ennemi. La prière est enfant de Wallhall, écoute la prière du suppliant ; qui rejette sa demande est infâme.

« Les blessures honorent le pirate, elles parent l’homme quand elles se trouvent sur sa poitrine ou sur son front ; laisse-les saigner, ne les bande qu’au bout de vingt-quatre heures, si tu veux être des nôtres.

Après trois années d’absence et de victoires, Frithiof, ne pouvant résister au désir de revoir Ingeborg, revint dans sa patrie. Le lecteur me permettra de m’arrêter ici, et de le renvoyer pour le dénouement à une traduction de Frithiof qui ne tardera pas à paraître. Les passages que nous avons traduits donnent, du mérite de Frithiof, une idée plus juste que notre analyse du poème. Les caractères y sont soutenus et développés avec art. Frithiof, d’abord enfant, puis adolescent, enfin homme fait, est bien toujours le même, tout en changeant avec l’âge. Ses amours avec Ingeborg sont d’une pureté gracieuse et touchante. Le vieux roi Ring soutient dignement la renommée de sagesse que la tradition lui attribue. Le mérite poétique de Frithiof est incontestable, l’auteur s’est servi

  1. Déesse de la mort pour ceux qui périssent en mer.