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HOMMES D’ÉTAT DE LA FRANCE.

rement multiplié les journaux… Des feuilles en grand nombre s’impriment et circulent dans les plus petites villes. Chaque particulier se voit tous les jours instruit de l’état de la nation, d’une extrémité à l’autre de la Grande-Bretagne ; et la communication est telle, que les trois royaumes semblent ne faire qu’une seule cité. Qu’on ne croie pas, continue-t-il que je parle avec trop de magnificence de cet effet des papiers publics… Jamais un objet, intéressant véritablement les lois, ou en général le bien de l’état, ne manque de réveiller quelque plume habile. De là vient, poursuit-il, que par la vivacité avec laquelle tout se communique, la nation forme, pour ainsi dire, un tout animé et plein de vie, dont aucune partie ne peut être touchée sans exciter une sympathie universelle, et où la cause de chacun est réellement la cause de tous.

« Je ne sais que trop que les journaux des départemens sont loin d’avoir atteint ce degré d’utilité. Mais ne trouvez-vous pas tous, messieurs, qu’il est à souhaiter qu’ils y parviennent ? Consentiriez-vous qu’on les anéantisse ? Tel est le résultat, tel est le but du projet. Daignez y réfléchir ; il y va de votre propre intérêt si tous les organes de l’opinion sont détruits dans les lieux que vous habitez, ne serez-vous pas bien plus encore qu’aujourd’hui livrés à l’injustice et aux caprices ministériels ? Les notabilités départementales seront à leur merci. Viennent les élections, où seront pour ces notabilités les moyens de lutter ? où sera la possibilité de réfuter les assertions fausses et de repousser les calomnies dont vous savez qu’à cette époque les agens du pouvoir ne sont point avares ? Songez-y bien : je parle pour les intérêts de vos départemens, pour les vôtres : quand vous aurez livré vos armes, et que s’ouvrira la lice électorale, vous vous souviendrez de mes paroles. Une noble occasion vous est offerte : créez dans vos départemens une force morale ; rendez-leur l’influence qu’ils ont droit d’exercer, le poids qui leur appartient dans la balance de notre administration intérieure. Vous ne le pouvez que par l’opinion ; l’opinion, dans l’état actuel de la civilisation et de la France, n’a d’organes que des journaux. Que ces journaux, dans vos provinces, vous doivent l’existence : ils se le rappelleront au jour du combat.

« J’ai cru devoir, messieurs, vous soumettre ces réflexions. Je