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pris qu’il était fourni par la grande hapie ou aigle destructeur, oiseau qui rivalise pour la taille et la force avec les plus grandes espèces de sa famille. Les Indiens le recherchent beaucoup, surtout les petits qui fournissent un duvet plus abondant, et quand ils sont parvenus à s’en procurer un, ils le nourrissent avec soin et lui arrachent son duvet tous les trois mois. Lorsqu’une fête doit avoir lieu, ils se rendent quelquefois à des distances considérables pour se procurer ce précieux objet de toilette, qu’ils emploient non-seulement à se poudrer la tête, mais encore à faire sur leur corps des dessins qui contrastent fortement avec leur propre couleur, et les peintures noires et rouges dont ils sont habituellement couverts. La manière de l’appliquer consiste à enduire la peau d’une légère couche de gomme, puis à souffler dessus le duvet au moyen d’un roseau, opération dont les femmes s’acquittent avec beaucoup d’adresse.

La famille de Paranapouna offrait un modèle parfait de l’indolence indienne. À l’exception de ses deux fils qui chassaient pour nous, tous les autres individus qui la composaient passaient leur temps à dormir ou à se balancer dans leurs hamacs. Les femmes seules sortaient de temps en temps de leur apathie pour préparer un peu de couac, ou aller arracher quelques patates douces dans l’abatis, lorsque la faim devenait pressante. Il est rare qu’on rencontre dans un carbet indien des provisions mises en réserve pour l’avenir. Chacun y dispose avec une égale liberté de tous les vivres qui s’y trouvent, et l’enfant qui sent la faim, ou qui croit la sentir, s’empare de tout ce qui tombe sous sa main sans rencontrer la plus légère opposition. Il n’en éprouve pas davantage dans ses autres volontés : de là l’indépendance absolue qui fait le fond du caractère de l’Indien, et que rien ne peut réduire.

Le 3 décembre, nous quittâmes l’habitation de Paranapouna, et nous fûmes coucher six lieues plus loin. Le Yarupi, dans tout cet intervalle, ne nous offrit aucun saut ; quelques roches seules se faisaient voir çà et là et contribuaient à diminuer encore la largeur de la crique, qui n’était habituellement que de trois ou quatre toises. Des arbres tombés en travers soit de vieillesse, soit par tout autre accident, nous barrèrent plusieurs fois le passage, et nous fûmes obligés de les mettre en pièces à coup de hache pour pouvoir